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LE ROMAN FRANÇAIS

II[1]
L’HONNÊTE HOMME ET LA PRÉCIEUSE LE GRAND CYRUS ET LA CLELIE

Adieu les paysages ! Le roman jette sa houlette aux orties, il renonce au séjour des bois et des champs ; il prend congé des moutons et des bergeries. Le paysage ne rentrera dans le roman que fort tard. Et vraiment je me surprends à regretter ceux de d’Urfé. Son grand mérite entre tous les faiseurs de pastorales, c’est que son Arcadie à lui n’était pas un pays imaginaire ; il l’avait placée aux lieux où il était né et qui lui étaient demeurés chers au travers de tous les hasards de sa vie vagabonde.

Issu d’une des plus nobles familles du Forez, province située entre Lyon et l’Auvergne, il vante sans cesse sa chère Loire, son Lignon, son mont Isoure et il les décrit avec tant de netteté et de précision qu’il y transporte son lecteur. Il n’est pas jusqu’à un gros orme solitaire sur la route de Montverdun qu’il ne réussisse à nous faire voir. Tout est faux dans son livre, hormis les lieux. Ces bergers sont des chimères ! Des bergers poètes, casuistes et platoniciens ! Mais le gros orme de la route de Montverdun est réel, très réel ; qui sait s’il n’existe pas encore ?

  1. Voyez la Revue du 1er janvier.