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L’Empereur avait désigné comme parrains l’empereur François d’Autriche et Joseph roi d’Espagne. Pour remplir les fonctions de marraine, il s’adresse à sa sœur de Naples. Soit qu’en prévision des services militaires à réclamer de Murat il veuille donner au ménage cette significative satisfaction, soit que plus vraisemblablement il tienne à bien marquer que son mécontentement du mari n’altère en rien son estime et son affection pour la femme, c’est elle qu’il choisit et nomme, par préférence entre toutes les princesses de la famille, pour tenir sur les fonts de baptême le premier-né de sa race ; c’est elle qu’il veut associer à la grandiose fête de famille où elle aura pour compère l’empereur d’Autriche, le successeur des Césars germaniques. Il lui notifie sa décision par une de ces lettres délicatement affectueuses comme il en sait écrire, lorsqu’il veut plaire, charmer, séduire et récompenser.

Caroline n’était pas préparée à ce haut témoignage ; il lui eût semblé plus naturel que Madame-Mère fût désignée : « comment se fait-il que maman n’a pas été invitée à être la marraine ? » D’autres bruits avaient couru ; on avait dit « que la marraine serait l’armée. »

A se savoir choisie, préférée, élue, Caroline éprouve un ravissement d’orgueil ; mais tout de suite, devant elle, une question très délicate se pose. Doit-elle aller à Paris pour assister personnellement au baptême, pour figurer au rang et dans le rôle éclatans qui lui ont été assignés, ainsi que l’Empereur l’y invite et le désire certainement ? Au contraire, existe-t-il des raisons assez fortes pour qu’elle doive décliner l’invitation, remplir simplement par procuration les fonctions de marraine, se faire représenter au baptême, rester à Naples et se chercher auprès de l’Empereur une valable excuse ?

Sa santé laisse toujours à désirer ; on lui prescrit des soins et un traitement. Toutefois, sa santé n’est pas assez mauvaise pour l’empêcher de partir, pour la mettre dans l’impossibilité physique de faire le voyage. Caroline sait que ses forces ne la trahiront pas et que ses nerfs la soutiendront ; elle se sent matériellement en état de se rendre à Paris et au fond meurt d’envie d’y aller. Si elle n’avait à consulter et à écouter que soi-même, elle partirait sur l’heure. Sa santé peut fournir l’excuse ; elle n’est pas un obstacle.

La vraie difficulté, c’est Murat. Dans l’état violent et