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Dans l’intervalle de ses siestes, elle s’amuse à peindre : « le goût de la peinture m’a pris ; » elle s’y livre sur sa terrasse nouvellement aménagée, sous les arcades et les tentes qui lui font un asile de fraîcheur : « tout le temps où je ne dors pas, je le passe sur ma terrasse, qui est vraiment charmante grâce à toi ; j’y dîne, j’y peins, j’y reçois mes enfans. Hier, j’y ai donné à dîner aux ministres et aux grands officiers. Je suis heureuse de penser que j’y dînerai toujours avec toi. »

Comme affaires sérieuses, elle a de quoi s’occuper avec les deux maisons d’éducation pour jeunes filles qu’elle a fait établir, l’une à Naples, et l’autre à Aversa ; c’est sa création favorite, son œuvre, dont elle suit les progrès avec une vigilance passionnée. La vérification des comptes de sa maison d’Aversa lui prend tout un jour. Parfois, elle se donne la joie de passer avec ses enfans une journée entière. Peu de sorties ; seulement quelques promenades en voiture découverte après la tombée de la nuit, à l’heure où l’on respire. En fait de représentations et de cérémonies, rien que l’indispensable : « je ne veux pas de fêtes en ton absence, » écrit-elle à son mari. C’est tout au plus si elle tient sa cour ; encore plus s’abstient-elle de présider le gouvernement.

Comme elle sait Murat très jaloux de ses prérogatives souveraines et excessivement chatouilleux en cette partie, comme elle a souffert de cette irritabilité, elle affecte un complet détachement ; elle s’observe beaucoup et se surveille, employant d’ailleurs toutes ses ressources de correspondance à répéter au Roi qu’elle ne veut rien être dans le royaume que son amie dévouée, utile, volontairement effacée. À son retour, à l’en croire, il n’eût tenu qu’à elle d’exercer virtuellement les fonctions de régente ; honneurs, agrémens, moyens de gouvernement, on lui a tout offert, elle a tout refusé : « Je ne suis point disposée à rien accepter, ni les fêtes, ni les rapports de police, ni rien de ce qu’on m’a proposé ; j’ai donc tout refusé. Mon intention est de ne me mêler ici que de ce qui peut t’être agréable, et je ne veux pas donner lieu aux bruits que je viens ici pour gouverner pendant ton absence et pour me mêler d’affaires d’administration. Je veux te prouver que je suis revenue pour te montrer combien je te suis attachée. J’espère qu’il n’y aura plus de gens qui chercheront à te troubler en te faisant accroire que je m’occupe d’intrigues, que je fais un parti et que je cherche à entrer au Conseil d’État. Ceux qui te disaient cela avaient bien leurs