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en Sicile, et on est enchanté. Mais il vaut mieux revenir sur tes pas et remettre cela à un autre temps que de t’exposer toi et ton armée. Puisqu’il y a tant d’obstacles maintenant, prends courage, reviens auprès de nous, je tâcherai de te consoler des peines que tu as éprouvées.

« En arrivant ici, j’ai trouvé tout le monde empressé à faire ce qui pouvait me plaire. J’ai été bien sensible à tous les ordres que tu as donnés pour cela, et ils ont été exécutés comme tu l’avais ordonné… Ma tendresse pour toi en serait augmentée, si cela était possible. Me voilà au milieu de mes enfans, et il ne manque maintenant à mon bonheur que de te voir près de moi. Reviens le plus tôt que tu le pourras. Nous pouvons être heureux, mais pour cela il faut nous contenter de ce que nous avons, il faut que tu calmes un peu ta tête qui s’échauffe si facilement, et que tu attendes, avec plus de patience que tu ne l’as fait jusqu’ici, le moment où nous serons plus tranquilles et plus indépendans. Le bonheur de notre intérieur nous dédommagera de bien des peines, et tu trouveras auprès de moi, auprès de nos enfans et de tous ceux que nous aimons sincèrement, des jouissances qui valent toutes les autres. Tout ce que je te dis là, mon cher ami, est dicté par le désir que j’ai de te voir heureux, et tu sais que mon bonheur ne peut exister sans le tien.

« Ma grossesse va très bien, et je ne sens encore rien remuer. J’ai cependant un peu souffert des cahots de la route. Je ne t’écris pas moi-même, parce que je me suis mise au bain en arrivant à Naples, et que j’y dicte ma lettre. J’ai un peu mal aux nerfs, mais sois tranquille, ma santé est bonne, et j’espère que demain je ne me ressentirai plus des fatigues du voyage. - « Ecris-moi tous les jours maintenant, et assure-moi bien que tu ne t’exposes pas. Je te le recommande pour moi et pour nos chers enfans.

« L’Empereur et l’Impératrice m’ont bien recommandé à mon départ de te dire les choses les plus aimables.

« Adieu, mon cher ami, je t’embrasse et je t’aime de tout mon cœur. Je t’embrasse comme je t’aime. »


II

Cette lettre rejoignit Murat près de Reggio, au camp de Piale, où l’armée franco-napolitaine avait dressé ses tentes sur le bord