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importantes, il ne me consulte pas, par exemple pour Lucien ; il a très mal fait de lui donner de l’argent et un vaisseau parce qu’il peut être pris par les Anglais, ce qui serait un très grand désagrément pour moi. Il aurait dû consulter mes intentions. Il se plaint sans cesse de manque d’argent, et il en donne à mes ennemis, car je regarde comme tel Lucien, qui n’a jamais rien voulu de ce que je désirais. »

« Ayant dit à l’Empereur qu’il était bien difficile au Roi de gouverner et de rien entreprendre lorsque le ministre de la Guerre lui écrivait qu’on lui ôterait le commandement de l’armée s’il entreprenait de descendre en Sicile avec moins de 15 000 hommes, et que cette menace t’avait causé le plus vif chagrin, il m’a dit : « Comment ! il se fâche de cela. J’ai toujours regardé et je regarde toujours Murat comme un général de mon armée, et je n’en fais point la différence lorsque je donne des ordres à mon ministre. Je l’ai empêché de descendre en Sicile à moins de réunir 15 000 hommes. Il écrit au mois de juin que tout est prêt, qu’il va passer, et je sais par lui-même qu’il n’a pas 15 000 hommes de débarquement. Or, connaissant que les Anglais sont forts en Sicile et sachant quelle est l’ardeur du Roi, je n’ai pas voulu l’exposer à être pris par les Anglais. Si l’expédition n’eût pas réussi, c’est sur moi que cela eût porté, et je n’ai pas voulu être regardé comme l’auteur d’une mauvaise entreprise, car enfin c’est sur mon compte que l’on mettra tout cela. »

« Je suis peut-être cause de ces observations de l’Empereur, car ayant montré à l’Empereur des lettres où tu me disais que tout était prêt, que dans deux jours tu serais à Messine, et que tu ne tarderais pas à m’écrire de Palerme, l’Empereur, qui connaissait la position et qui savait que tu ne pouvais encore rien commencer faute de moyens suffisans, s’est vu obligé de t’écrire de ne point tenter le passage à moins de 15 000 hommes pour ne pas exposer son armée, et parce qu’il a cru que tu n’écoutais que ta bravoure. Si tu n’avais pas écrit que tu allais tenter le passage, l’Empereur aurait pu croire à l’expédition, mais il a été épouvanté par l’idée que tu allais trop vite.

« Je suis fâchée maintenant de l’expédition. J’avoue que je t’ai souvent cru en Sicile. Comment as-tu pu l’annoncer à l’Empereur, et comment as-tu pu croire que les Anglais ne se fortifieraient pas ? Tout le monde à Paris croit que tu es débarqué