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nécessaire pour cela d’entrer avec eux dans des détails compliqués dont le choix révèle toujours une tendance partiale et finit par l’accentuer ? Non, certes. Ce sont les grands faits de l’histoire qu’il faut leur enseigner ; ce sont les seuls d’ailleurs qu’ils puissent retenir. Leur mémoire a ici beaucoup plus à faire que leur jugement, car nous sommes à l’école primaire. S’ils poussent plus loin leur instruction, les mêmes règles recevront pour eux des applications nouvelles : mais à chaque cycle scolaire suffit sa peine.

En somme, nous demandons à l’école primaire de redevenir ce qu’elle était, il y a quelques années. Serait-ce donc irréalisable ? Pourquoi ce qui a été ne pourrait-il pas être de nouveau ? Les impossibilités philosophiques de trouver en dehors de la religion une base à la morale, ou de pratiquer une neutralité sincère, disparaissent devant la constatation d’un fait, à savoir que l’école publique d’autrefois, si elle ne donnait pas pleine satisfaction aux catholiques. — et elle ne pouvait pas leur donner pleine satisfaction, ce n’était pas son affaire, — ne soulevait cependant pas de leur part les critiques véhémentes et finalement l’opposition que rencontre chez eux l’école laïque d’aujourd’hui. Qui est-ce donc qui a changé ? Est-ce l’école ? Sont-ce les catholiques ?

M. le président du Conseil, dans le remarquable discours qu’il a prononcé en réponse à M. Piou, a dit que c’étaient les catholiques. Il est allé plus loin, il a soutenu qu’il était lui-même pour quelque chose dans leur volte-face, et que c’est parce qu’il avait prononcé des paroles de conciliation et d’apaisement, que des hommes habitués à vivre des discordes sociales, menacés de perdre les prétextes dont ils avaient l’habitude de se servir, s’étaient empressés de pousser un cri de guerre et lui avaient arraché des mains le rameau d’olivier qu’il leur tendait. En parlant ainsi, M. le président du Conseil était à la fois injuste et ingrat. Ce n’est pas à droite, en effet, que ses discours ont été mal accueillis, et toutes les expressions dont il s’est servi pour qualifier l’opposition des catholiques s’appliquaient infiniment mieux, il le sait bien, à celle des radicaux. Mais n’insistons pas sur une digression qui n’a qu’un intérêt de polémique, et revenons à la question de savoir si ce sont les catholiques qui ont changé. — Oui, évidemment, a soutenu M. Briand, puisqu’ils ont passé vingt ans et plus sans se plaindre : de l’école laïque et qu’ils ont attendu pour le faire la séparation de l’Église et de l’État, contre laquelle, dans l’amertume de leur cœur, ils poursuivent une revanche. — À cette allégation, M. Piou avait répondu d’avance avec des preuves très