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d’autre résultat, on ne devrait pas la regretter. L’inopportunité du moment où elle s’est produite n’a qu’une importance accidentelle et provisoire : il faut regarder plus loin les conséquences, qui seront sans doute plus durables. Elles seront bonnes pour l’enseignement public et, par un contre-coup imprévu, elles pourront l’être aussi pour l’enseignement libre qui, lui non plus, n’est pas exempt de tout péché.

En effet, si les orateurs de droite ont lu à la tribune des passages des manuels universitaires qui ont soulevé une réprobation universelle, M. le ministre de l’Instruction publique a lu à son tour des extraits des manuels des écoles libres qui ne valent pas mieux. La passion injuste et dénigrante, le dédain de la vérité, la sottise enfin, sont les mêmes de part et d’autre. Il ne suffit pas de dire, pour justifier les écarts de l’enseignement libre, qu’il est libre, ne s’impose à personne, est payé par ceux qui le donnent, tandis que l’enseignement de l’État payé par tous les contribuables, est le seul qui soit tenu à la neutralité Quelle que soit la force de cette distinction, elle ne suffit pas ici. L’enseignement libre, tout aussi bien que celui de l’État, est justiciable de l’opinion, à laquelle rien n’échappe aujourd’hui, et certains excès ne doivent pas être jugés moins sévèrement d’un côté que de l’autre. S’il est vrai, — et c’est une vérité qu’il ne faut pas exagérer sous peine de la voir changer de nature, — que l’école de l’État est la seule à laquelle la neutralité s’impose comme un devoir strict, l’impartialité doit être indistinctement la loi de toutes les écoles et de tous les instituteurs. Dans l’histoire de toutes les grandes institutions humaines il y a du bien et du mal, et c’est un mensonge de ne montrer que l’un des deux. Or, ce mensonge, les manuels de l’école libre le commettent aussi souvent et aussi gravement que ceux de l’école laïque. L’histoire de la Révolution française, par exemple, est complètement défigurée dans certains manuels des écoles libres, qui en montrent seulement les côtés odieux et sanglans et en dissimulent les côtés généreux, héroïques, bienfaisans et féconds : et ce n’est pas une consolation de penser que, dans certains manuels laïques, l’histoire de l’Église est résumée dans celle de l’Inquisition ou des dragonnades. C’est là ce que nous appelons un manquement à l’impartialité ; on n’est impartial que lorsqu’on est complot ; et la plupart du temps il suffit de l’être pour montrer qu’à travers beaucoup de passions, d’entraînemens et de défaillances parfois coupables, il y a eu presque toujours dans l’humanité, quels qu’en aient été a un moment les représentais le plus en vue, un effort puissant vers le bien, vers le mieux. Voilà l’impression qu’il faut laisser dans l’esprit des enfans. Est-il