Nous avons connu et il y a toujours, nous n’en doutons pas, beaucoup d’instituteurs auxquels ces recherches métaphysiques ne sont sans doute ni inconnues, ni indifférentes, mais qui, dans leur classe, en font abstraction et se bornent à enseigner aux enfans ce qu’on a appelé « la vieille et bonne morale de nos pères. » C’est seulement quand l’instituteur essaie de s’élever plus haut qu’il risque de s’égarer. Alors il est en butte à toutes les crises mentales au milieu desquelles M. Maurice Barrès l’a fait voir se débattant, pour aboutir à l’anarchie de l’intelligence et à l’impuissance de la volonté. La science elle-même, dont on a voulu faire une religion nouvelle, ne saurait lui servir de refuge, car M. Denys Cochin a montré une fois de plus que ce n’est pas sur ce champ mobile, sans cesse en transformation, nous allions dire en démolition, qu’on peut trouver une assiette sûre. Il est vrai que M. Jaurès a soutenu que rien n’était immuable, et que la religion, si elle voulait vivre, devait évoluer dans le devenir comme la science elle-même, ce qui n’est pas fait pour mettre plus de clarté dans les esprits. M. Buisson y a encore moins réussi, ce qui ne saurait surprendre de la part d’un orateur qui, lorsqu’il adopte une idée, se garde bien de renoncer à l’idée contraire et cherche toujours à les concilier dans une synthèse idéale. La dernière formule qu’il a inventée a été de dire que l’école devait être neutre, mais non pas l’instituteur, ce qui a le malheur de rappeler invinciblement la phrase fameuse d’après laquelle il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable, et quelques autres du même genre qui font songer à la faillite de la logique, ou du moins d’une certaine logique où les idées n’ont plus de consistance et où les mots n’ont plus de sens.
Revenons au fait initial qui a donné naissance à ces interpellations et à ces discours, c’est-à-dire à la Lettre des évêques. On a reproché amèrement à ceux-ci de l’avoir écrite ; M. Briand leur a dit qu’il n’avaient pas été « adroits ; » il les a même accusés d’avoir été « légers, » et nous avons nous-mêmes, dès le premier jour, exprimé la crainte qu’ils n’aient pas choisi, à la veille des élections, le meilleur moment pour parler. Mais ceci dit, nous persistons à croire que les évêques ont rendu un service en appelant l’attention sur un mal certain que personne n’avait dénoncé et qui maintenait ouverte une source de corruption dans notre enseignement public. Nul aujourd’hui ne peut contester que quelques-uns au moins des manuels employés dans nos écoles n’auraient jamais dû y entrer, et nous sommes convaincus qu’ils n’y entreront à l’avenir que surveillés et corrigés. Quand même l’intervention des évêques n’aurait pas eu