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remplacer l’ivoire par le papier ou le chevreau, qui laissent au lavis plus de transparence et de liberté. Il travaille à peu de frais, sans prétentions et sans remords, et surtout sans se soucier de ce qu’en dira l’histoire. Il se résigne, sans douleur, à placer sa gloire en viager. Et le calcul réussit au-delà de toute espérance. D’abord, le peintre de portraits aurait-il eu la même fortune que le miniaturiste ? Eût-il été aussi « demandé ? » Et par-là, voici que le « petit maître » se trouve appartenir, à son tour, à l’histoire. C’est le sort de ces genres secondaires pour lesquels on affecte parfois un excès de sévérité : ce sont ceux qui, à distance, nous paraissent le mieux exprimer l’âme d’une époque. Ils entretiennent les rapports de l’art avec la vie. Ce que sont les « crayons » pour le XVIe siècle, et le « pastel » pour le XVIIIe, la miniature l’est pour l’Empire et la Restauration : et, d’en avoir été le maître incontesté, c’est ce qui assignera toujours à Isabey un rang dans le petit nombre des artistes originaux.

Dans la dernière partie de sa vie, il s’efforce d’agrandir ou de renouveler son art, et de donner à l’aquarelle, dans l’Escalier du Louvre, une dimension et une solidité dont elle ne semblait pas capable. Il s’essaie également à la lithographie. Il exécute enfin quelques portraits à l’huile, inédits jusqu’à ce jour, et dont nous devons la primeur à Mme de Basily-Callimaki. Je me permettrai d’ajouter, à ceux qu’elle cite en ce genre, celui du maréchal Davout, signalé à Nancy par Charles Lenormant.

C’était toujours le même petit homme spirituel et sec, toujours agile et vert, qui grimpait comme un chat à l’impériale des omnibus et préférait descendre les escaliers sur la rampe. Il s’était remarié en 1829, après six mois de veuvage, et eut sa dernière fille à soixante-dix ans. On le voyait l’été à Pontchartrain chez les d’Osmond, ou à Rocquencourt chez les Fould. On écoutait avec délices ce vieillard plein de souvenirs. Il allait toujours aux Tuileries. « Je n’y vois plus les mêmes visages, disait-il, mais ce sont toujours les mêmes noms. Le monde n’a pas changé. » Et, en 1848, le peintre de tant de rois se retrouvait républicain pour une pétition, qu’il signait : « Isabey, patriote de 1789. »

Après le Deux Décembre, il reprit le chemin des Tuileries. On l’appelait pour le consulter sur des points de protocole. L’Impératrice faisait arrêter sa voiture pour s’informer du petit vieux qui avait été le peintre de Joséphine, de Marie-Louise et de la reine Hortense. Mais il ne peignait plus. Le goût avait tourné. La mode l’abandonnait. Cela datait de 1830. Au public d’Indiana et de Valentine il fallait un