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des ambitions et celle des convictions ? Quoi qu’il en soit, à partir surtout de 1898, la majorité de droite, toujours maîtresse du pouvoir, n’est plus maîtresse d’elle-même. Il lui faut lutter contre ses propres divisions, défendre son unité, dissimuler ses fêlures. Notez au surplus que, pour se motiver, la « jeune droite » doit aller de l’avant et, sur cette route, rencontrer les gauches. S’alliera-t-elle à celles-ci ? Rentrera-t-elle dans le rang ? Fera-t-elle passer la conservation du parti avant la réalisation des réformes ? Ou, au contraire, les réformes se réaliseront-elles au détriment du parti ? Telle est, depuis dix ans, la question que travaille à résoudre l’histoire de la Belgique.

Quel que soit le premier ministre, — Smet de Nayer, Vandenpereboom, Trooz ou Schollaert ; quelle que soit la loi discutée, tout se ramène à savoir si cette loi brisera l’unité du parti et si le ministère admettra qu’elle la brise. Sans doute, il y a la vieille question scolaire, si commode pour occuper le tapis et sauvegarder l’accord, que scelle le lien religieux ; mais elle n’est pas éternelle. On s’applique du reste à l’épuiser par une campagne paradoxale, campagne du gouvernement contre ses propres écoles au profit des écoles libres. Surtout en pays flamand, les municipalités catholiques s’arment de la loi nouvelle pour fermer les écoles officielles et ouvrir des écoles libres. Les instituteurs par milliers sont mis en disponibilité. Onze ans plus tard, en 1895, la loi Schollaert rend obligatoire l’enseignement religieux, sauf demande formelle de dispense. Enfin, à côté des écoles « adoptées, » on crée une catégorie d’écoles non adoptées, mais subventionnées par l’État, à la seule condition d’ouvrir leurs portes à l’inspection. Il s’agit en un mot de placer l’école libre, quant aux subsides de l’État, sur le pied de l’égalité absolue avec l’école officielle, de livrer l’enseignement aux organisations catholiques locales. Comme terme extrême de cette politique, un projet de M. Woeste tend à interdire aux provinces et aux communes de créer des écoles normales sans l’autorisation du gouvernement, en d’autres termes à empêcher les municipalités libérales de former un personnel enseignant pour leurs écoles officielles, à les obliger à se servir du personnel formé dans les écoles normales congréganistes « adoptées. » Sur cette aggravation nouvelle du régime actuel, la droite tout entière serait-elle d’accord ? On en peut douter.

Considérez maintenant l’œuvre sociale du gouvernement