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d’une commission qui vérifie ses dires : il indique par avance ses préférences pour un service personnel de courte durée. Mais comment accorder à cette réforme la moindre chance de succès, puisque la droite tout entière est dressée contre elle, et que le président du Conseil, M. Schollaert, d’accord sur le fond avec son ministre de la Guerre, déclare cependant ne vouloir gouverner qu’avec une majorité de droite ?

Dès lors s’ouvre le grand conflit de l’intérêt politique et de l’intérêt national. Lequel des deux primera l’autre ? Pendant de longs mois, la partie est douteuse. La commission élue par la Chambre en mars 1909 reconnaît l’exactitude des chiffres fournis par le ministre. Mais sur les mesures à prendre, la division est profonde ; autant de groupes, autant de projets. C’est une crise parlementaire qui se prépare. Car s’il est visible qu’une majorité pour la réforme existe dans la Chambre, il n’est pas moins clair que cette majorité ne peut se former que par la rupture de la droite, par l’union de la jeune droite et des groupes de gauche. M. Schollaert, qui recule devant cette responsabilité, essaie de concilier les contraires. Il propose un système mixte : un fils par famille, qui doit permettre de relever peu à peu les effectifs et de réduire ensuite la durée du service. C’est la suppression du tirage au sort, mais ce n’est pas le service personnel général. Ce n’est pas non plus la fin du remplacement. C’est donc plus que ce qu’accepte la vieille droite, moins que ce que réclame la gauche, la politique de la diagonale avec ses inconvéniens habituels.

Cet effort transactionnel est inutile : il faut choisir entre la réforme et la majorité. Une fois de plus s’exerce la volonté royale. Dès le premier jour, l’héritier du trône, le prince Albert, avait pris publiquement parti et demandé « pour le maintien de l’indépendance, les sacrifices nécessaires. » Par une action soutenue, Léopold II fait prévaloir le point de vue national sur le point de vue politique. M. Schollaert, après de longues hésitations, se décide à accepter les voix qui s’offrent à lui sans distinction d’origine et négocie avec les gauches en même temps qu’avec la jeune droite. C’est le pas décisif. Les pourparlers se prolongent et les concessions se compensent. La gauche, tout en maintenant sa préférence de principe pour le service général et personnel sans exceptions, se déclare prête à voter, à défaut, le projet du gouvernement. Celui-ci accepte le service de quinze