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les autres. Je dirai encore, en un autre langage : la promiscuité n’est pas plus propre à relever les faibles et les méconnus qu’à réprimer les audacieux et les violens. La séparation a seule ce double avantage.


« Séparation et solitude, est-ce donc là, me dira-t-on, la solution que vous proposez et êtes-vous donc pour l’emmurement perpétuel des condamnés ? Est-ce dans l’uniformité de ce silence et de cette immobilité perpétuelle que vous avez la prétention de trouver un mode de répression qui s’ajuste aux perversités les plus variées, aux chances les plus inégales de réparation ? » Non, assurément, cette solitude absolue et définitive qu’on imagine ne serait pas plus une solution que le prétendu débarras de la transportation. Ici aussi nous rencontrons maint préjugé, mainte ignorance et surtout maint effort pour faire accepter du public ce qui est le contre-pied de la vérité.

La vérité fondamentale est qu’il faut éviter le plus possible de rapprocher ce qui est à la fois nocif et contagieux ; car le mal a déjà de sa nature une tendance plus que suffisante à se répandre et à se multiplier. Dans un milieu, quel qu’il soit, fût-ce un village, dès qu’une femme ou une jeune fille a succombé ou passe pour avoir succombé, tous les vicieux d’alentour voient en elle une sorte de proie qui leur est due. Dès qu’un individu débute dans le crime, ceux qui sont plus avancés le réclament, s’ils le connaissent, comme un complice qui n’a pas le droit de les dédaigner et dont la collaboration les aidera et les justifiera.

Certes, ceux qui se rapprochent ainsi les uns des autres ne le font pas précisément pour cultiver l’amitié proprement dite. Le plus souvent ils s’envient, ils se jalousent, ils se dénoncent, ils se querellent et finalement ils se tuent. Mais qu’ils s’entendent ou non, c’est toujours à l’aggravation du mal qu’aboutissent, en eux et hors d’eux, leurs disputes comme leurs accords. Cela est-il fatal ? Oui, si les influences saines ne trouvent pas les moyens de s’y opposer. Or, le premier de ces moyens n’est-il pas de les séparer ? On les réunit sous prétexte que c’est le crime qui les rapproche, comme si ce n’était pas là, au contraire, la raison décisive qui doit les faire isoler les uns des autres. Si vous connaissez dans votre ville dix hommes prêts à se dévouer pour le bien de leurs concitoyens, n’ayez ni repos ni