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membre quelconque d’une société sans cesse renouvelée, ni, à plus forte raison, un fonctionnaire de bureau. Il faut un homme qui ait pris sur les enfans une certaine autorité pour les avoir instruits, soignés et redressés. Autrement dit, le placement doit toujours être préparé par un séjour plus ou moins long dans l’un de ces établissemens qu’on calomnie et que l’on désorganise quand on ne les supprime pas purement et simplement.

Lorsqu’il s’agit d’enfans plus compromis par la faute ou le malheur d’autrui que par leurs premiers écarts, la méthode que nous préconisons, alors même qu’elle placerait entre l’orphelinat et le placement surveillé une école un peu plus sévère, serait à peine pénitentiaire ou correctionnelle ; ou elle le serait dans le sens le plus large, le plus indulgent du mot. Venons aux milliers d’adolescens déjà viciés par les exemples pernicieux de leur milieu, dans la famille, dans l’atelier, dans la rue, quant à ceux-là surtout qui sont plus profondément corrompus encore par le vagabondage, par la débauche et par la fréquentation de vrais criminels ; ici le sens du mot pénitentiaire se restreint, se précise, et la sévérité de la chose ne peut aller qu’en s’accentuant. Des enfans de la catégorie précédente on pouvait dire : qu’ils grandissent au moins les uns à côté des autres, dans l’entrain tout réconfortant des récréations communes ! qu’ils y oublient l’ennui et le dégoût de la vie, qu’ils y reprennent l’habitude d’un effort proportionné à leur âge et à leurs moyens ! qu’ils y fassent plus librement connaître de ceux qui les dirigent leurs caractères respectifs ! Mais ceux que nous abordons maintenant ne sont devenus ce qu’ils sont que par l’entraînement mutuel des pires compagnies : le jeu ne les tente pas plus que le travail : leur caractère personnel a en quelque sorte disparu sous l’envahissement parasitaire de toutes les rodomontades qu’on leur a apprises et qu’ils ont ensuite enseignées eux-mêmes, de tous les plaisirs déjà dénaturés dont ils ne cessent plus, de rêver nuit et jour, dont ils reproduisent les images grossières sur tout ce qui est à leur portée, sur les murs, sur les papiers, sur leurs livres, ou, au besoin, sur leur peau. Que voulez-vous que soient leurs conversations, leurs confidences, leurs combinaisons, leurs projets ? Demandez-le, en tout cas, à ceux à qui on ne confiait jusqu’ici que des adolescens de moins de seize ans et qu’on afflige aujourd’hui de jeunes gens ou de jeunes filles de seize à dix-huit ans. Depuis que la loi de 1906 a provoqué cette