Quelle préparation à la patience, à la prévoyance, aux rudes labeurs enfin, sans lesquels il n’y a pas de succès possible dans la vie rurale, et particulièrement en pays neuf !
Si c’est là le contraire de la sélection, c’est aussi le contraire de ce que tant de novateurs, — très intéressans du reste et très dignes d’être étudiés, — appellent l’individualisation de la peine. Certes, il n’appartient à personne, et encore moins à une administration, de refaire un individu : ce serait encore plus difficile que d’en créer un. Il ne faut pas que le rêve de l’impossible fasse oublier les exigences du bon sens. Mais si l’on entend par individualisation le souci de proportionner la peine à la culpabilité de l’individu et à l’espoir qu’il donne d’un amendement sérieux, alors il y a là un idéal dont il est humain, dont il est socialement utile de se rapprocher autant qu’on le peut. Or qu’y a-t-il de plus opposé à l’individualisation que de jeter pêle-mêle sur une terre lointaine une foule indistincte de criminels dont la surveillance est là plus difficile que partout et que jamais ? On leur impose assez de privations et d’épreuves pour les irriter et assez de liberté pour qu’ils soient tentés de s’en affranchir. On mêle les repentans et les révoltés, les curables et les incurables, les passifs et les violens dans une promiscuité où les uns ne peuvent rien pour le bien, et où les autres peuvent malheureusement beaucoup pour le mal de tous. N’est-ce pas là, encore une fois, le système le plus opposé à toute justice et à toute idée de faire payer à chacun selon ce qu’il doit ? Me dira-t-on que ce double travail d’individualisation et de sélection peut se faire partout ? Je répondrai non ! Il ne se fait pas sous forme d’un débarras dont on confie l’exécution à des agens qui se résignent à ne pas convoiter de postes plus enviés. Il ne se fait que sous les yeux mêmes de ce que l’administration de la justice et de la police a de plus expérimenté.
Je ne vais pas plus loin dans cette discussion. Car sans avoir la prétention d’être prophète, on peut affirmer que les argumens en faveur de la transportation iront en s’affaiblissant de plus en plus, tandis que les argumens contraires recevront des circonstances une force toujours plus grande.
Pourquoi ? Parce que le monde devient de plus en plus petit ; parce que les distances se raccourcissent, parce que les colonies s’acheminent tous les jours à être ou des continuations de la mère patrie ou des Etats aspirant, d’abord à l’autonomie,