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Vincent de Paul, Olier, Bérulle, combien d’autres, véritables héros de l’action chrétienne, qui usent leur vie à restaurer dans le cloître et dans le monde l’idéal évangélique. Le P. de Condren, qui « dirigeait tout ce qu’il y avait de saints dans Paris, » n’hésitait pas à dire que ce siècle « était le siècle des saints et ne cédait en rien aux premiers temps de l’Eglise. » C’est en 1623, année de la naissance de Blaise Pascal, que Saint-Cyran entre en rapports avec la mère Angélique ; et à quatre ans de là, le duc de Vendatour créait la Compagnie du Saint-Sacrement.

Si la mère de Pascal avait vécu, aurait-elle mêlé quelque raffinement, de mysticisme féminin à l’éducation chrétienne de ses en fa ns ? Nous ne le savons pas : nous ignorons à peu près tout d’Antoinette Bégon, de son caractère, de sa tournure d’esprit, de son tempérament moral, et nous en sommes réduits sur son compte à cette ligne trop laconique du Recueil d’Utrecht : « Elle avait aussi beaucoup d’esprit, et elle était très pieuse et très charitable. » Ce qui est sûr, c’est que le président, Pascal, resté veuf, éleva ses trois enfans fort chrétiennement, mais sans austérité, et même avec une certaine liberté d’allures : l’ « intime ami » de cet épicurien de Le Pailleur, dont M. Strowski nous a tracé un si vivant portrait, ne semblait pas prédestiné à un jansénisme bien farouche. A vrai dire, il croyait aux sorciers, et Marguerite Perier nous a conté à son sujet une bien étrange histoire de diablerie. Mais, à l’ordinaire, sa religion, solide, sensée, dépourvue de toute exaltation, était celle d’un « honnête homme. » Il avait « pour maxime, nous dit Mme Perier, que tout ce qui est l’objet de la foi ne le saurait être de la raison, et beaucoup moins y être soumis ; » et ces maximes, « souvent réitérées, » pieusement et docilement acceptées par son fils, avaient fait à une si grande impression sur l’esprit » de ce dernier qu’elles le préservèrent toujours, et de son propre aveu, de tout « libertinage » et que, de très bonne heure, elles le rendirent » soumis à toutes les choses de la religion comme un enfant. » Cette rigoureuse distinction des deux domaines, cette « cloison étanche » que l’on établit entre deux groupes de réalités, de facultés et de connaissances, entre le laboratoire et l’oratoire, correspondait si bien à un besoin de la pensée du temps, qu’on la retrouve au fond de la philosophie de Descartes, et que celui-ci lui dut une partie, de son succès. Conception ingénieuse, profonde