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jours suivans ? Je ne me donnerai pas le ridicule de le prédire, alors qu’au moment où paraîtront ces ligues, l’événement aura prononcé. Mais puisque j’ai promis de faire de l’impressionnisme électoral, je dirai mon impression qui est la suivante :

Numériquement, il est possible que la coalition libérale l’emporte. Cela paraît même probable, car il faudrait, pour que les Unionistes eussent une majorité suffisante pour gouverner, qu’ils gagnassent 170 sièges environ, et même à quelques-uns de leurs chefs cela paraît beaucoup. Moralement, les Libéraux n’ont pas réussi. Ils ne sont pas parvenus à déterminer contre les Lords le grand mouvement populaire sur lequel ils comptaient. Malgré tout ce qu’on peut dire contre certains Lords qui ne siègent jamais, ou qui font peu d’honneur à leur corps, malgré les maladresses commises depuis l’ouverture de la campagne par quelques-uns d’entre eux, entre autres par celui qui, possesseur d’une des plus grandes fortunes de l’Angleterre, a annoncé l’intention de supprimer toutes ses souscriptions charitables, les Lords demeurent populaires, les uns, de grande naissance, parce qu’ils le méritent par les services qu’ils rendent au point de vue social, les autres parce que self made men, ils ont gagné leur pairie au service du pays, ou même par l’acquisition de grandes fortunes qu’ils doivent à eux-mêmes. Les modestes familles dont ils sortent sont fières d’eux. On me rapportait ce propos d’un ouvrier agricole : « Comment voterais-je contre les Lords ? il y en a un qui est mon cousin ? » Lors même donc que les Libéraux obtiendraient une majorité, je doute qu’ils puissent pousser à fond leur campagne contre la Chambre des Lords. Ils pourront lui imposer une réforme dont elle sent la nécessité, qu’elle aurait eu même raison d’effectuer plus tôt. Ils ne viendront pas à bout de la détruire. La poussée de l’opinion n’a pas été assez forte pour leur permettre de saper une des bases de la Constitution britannique.

Les Lords ont-ils eu raison de jouer une aussi grosse partie ? Je l’entends mettre en doute par quelques-uns même de ceux qui leur sont favorables. Un Libéral important me disait : « Nous perdions du terrain tous les jours. Si les Unionistes avaient attendu, ils seraient arrivés au pouvoir aux élections prochaines. » Quelques-uns prétendent même que c’est à cause de cela que M. Lloyd George a présenté ce budget exorbitant. Il comptait que les Lords le refuseraient et qu’ils seraient ainsi