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M. Balfour d’avoir, dans un de ses discours, envisagé comme probable l’hypothèse d’une guerre avec l’Allemagne. Peut-être en effet la forme que M. Balfour a donnée à sa pensée n’a-t-elle pas été très heureuse, et peut-être aurait-il été plus digne d’un chef de parti comme lui d’envisager en face cette éventualité tout en disant qu’il ne la souhaitait pas, que de rapporter, comme il l’a fait, des conversations plus ou moins authentiques de diplomates secondaires : mais il est certain que cette préoccupation est dans tous les esprits. Les Unionistes reprochent au gouvernement libéral de n’avoir pas pris des précautions suffisantes pour assurer à l’Angleterre l’empire de la mer, et pour maintenir sa supériorité. Ils lui reprochent de s’être hissé devancer par l’Allemagne dans la rapidité des constructions navales. Le grand principe : Two to one serait compromis, et l’Angleterre ne serait plus en état de tenir tête à elle seule à deux puissances navales réunies. Le gouvernement répond par des chiffres, auxquels les Unionistes opposent d’autres chiffres. La Ligue de défense maritime intervient en faveur des Unionistes. Lord Charles Beresford, dont l’autorité et la popularité sont très grandes, répond au premier lord de l’Amirauté, M. Me Kenna. Je n’ai pas la prétention de dire de quel côté est la vérité des chiffres, mais l’instinct populaire ne s’y trompe pas. Il sait que, dans le passé, les Tories ont toujours été plus préoccupés des questions militaires, qu’ils ont toujours eu moins peur de la guerre que les Whigs, partant, qu’ils s’y sont toujours préparés davantage, et comme les déplorables théories pacifistes et anti-militaristes ne paraissent avoir fait aucun progrès en Angleterre, c’est là un atout sérieux dans le jeu des Unionistes.

Enfin, il y a la question du Home rule. Voici environ vingt-cinq ans, Gladstone avait demandé au pays de lui donner une majorité qui lui permît de gouverner sans les Irlandais, et comme le pays ne la lui donna pas, il tenta d’imposer à l’Angleterre le Home rule dont elle ne voulut pas. C’est ainsi que cet orateur incomparable et ce grand financier, qui fut un si maladroit homme d’Etat, a dissous l’ancien parti whig, une des gloires de l’Angleterre, et créé contre lui le parti unioniste qui a gouverné si longtemps. L’ancien parti whig, qu’on appelle aujourd’hui le parti libéral, car le vocabulaire politique anglais a changé, ne se compose pas seulement de libéraux ; il comprend aussi des radicaux, représentés dans le Cabinet par M. Lloyd