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confortable de l’hospitalité anglaise. Lord Curzon lui-même arrive presque en même temps que moi. Pendant un high tea qui nous est servi en attendant l’heure du meeting, on m’explique la situation à Brighton. Cette ville de bains de mer, bien connue et très fréquentée durant l’été, qui vit de luxe, a cependant, aux dernières élections, envoyé au Parlement deux Libéraux. Mais les affaires vont mal à Brighton : la clientèle élégante semble se porter ailleurs. Il y a du mécontentement, et à la faveur de ce mécontentement, on espère regagner la circonscription. Tout le monde s’y emploie avec ardeur, jusqu’aux femmes, qui jouent, comme chacun sait, en période électorale, un rôle beaucoup plus actif que chez nous. A Bath, les couleurs adoptées par les Unionistes étaient bleu et blanc. Ici, c’est jaune et violet. Tout est au jaune et au violet, jusqu’aux bicyclettes des enfans qui sont ornées de rubans et aux colliers des chiens de bonne maison. Sur la table de La salle à manger sont disposés des chrysanthèmes, jaunes et violets.

A huit heures, nous nous rendons au meeting. Le chef constable est venu prendre lui-même lord Curzon de la sécurité duquel il se sent responsable. Lord Curzon, l’ancien vice-roi des Indes, a pris une part énergique dans la discussion qui a amené le rejet du budget à la Chambre des Lords et les radicaux lui en veulent beaucoup. Il ne me semble pas au reste qu’il y ait lieu de concevoir la moindre appréhension. Il y a beaucoup moins de monde dans les rues qu’à Bath, beaucoup moins d’animation aux environs du bâtiment où se tient le meeting. C’est un milieu moins populaire.

Ce bâtiment, qu’on appelle le Dôme, est une grande salle octogone, surmontée en effet d’un dôme. Elle a été construite du temps de George IV. La décoration en est d’un goût déplorable. Aux murs sont suspendus de grands panneaux sur lesquels sont écrits, en lettres rouges, ces mots : « Tax the foreigner, and defend the flag. — Taxez l’étranger, et défendez le drapeau. » Le Tariff Reform, la puissance navale de l’Angleterre, ce sont les deux chevaux de bataille des Unionistes. Je me demande sur lequel des deux lord Curzon va monter. En fait, il n’est monté ni sur l’un ni sur l’autre, mais sur un troisième.

A son entrée dans la salle il a été accueilli par de longs et chaleureux applaudissements, un peu moins longs et moins chaleureux cependant, à ce qu’il me semble, que ceux qui ont