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les mêmes, encore moins que les hommes. Que l’Angleterre ne se soit renouvelée depuis trente ans, cela est incontestable. Quelques-uns prétendent qu’elle est à la veille de sa révolution de 89 et qu’elle présentera bientôt le spectacle de grands bouleversemens. D’instinct, je n’en crois rien ; mais, si cela doit être, c’est la peine d’y aller voir. Et c’est pourquoi, sachant qu’un aimable et intelligent ami, qui appartient à une des grandes familles politiques anglaises, m’avait préparé les voies, j’ai débarqué le 5 janvier au soir sur le quai de Folkestone, qui ne m’a point paru changé depuis dix ans, et je suis venu m’installer à Londres, dans un fashionable et confortable, mais tranquille hôtel des environs de Grosvenor Square, où je compte d’ailleurs rester le moins possible. Je voudrais en effet, voir et entendre le plus que je pourrai, et je noterai fidèlement, au jour le jour, ce que j’aurai vu et entendu. Ce sera de l’impressionnisme électoral. Si mes impressions sont erronées, si j’en change, elles seront au moins sincères.


Bath, jeudi 6 janvier.

Londres m’a paru présenter son aspect ordinaire. Mais je n’en puis guère juger. Arrivé hier soir à minuit, j’en suis reparti ce matin à 11 heures pour Bath où il y a ce soir un grand meeting. M. Asquith, le premier ministre, doit y prendre la parole. Ce n’est pas sa circonscription. Il est député du comté de Fife : mais en ce moment tous les ministres se prodiguent. Il n’y en a pas moins de cinq qui ont pris la parole hier ou avant-hier dans différentes circonscriptions. M. Asquith s’est cependant reposé un jour. J’ai vu dans le journal qu’hier il jouait au golf à Brighton. C’est bien anglais. Je ne m’imagine pas M. Briand jouant au golf à Chantilly, la veille du jour où il aurait à prononcer un grand discours politique.

M. Winston Churchill, le Président du Board of Trade, tient presque tous les jours de la semaine prochaine des réunions dans le comté de Dundee. On m’en a fait parvenir la liste. Mais le fond de l’Ecosse, c’est trop loin. Je suis obligé de me borner à Londres et aux environs. Les Unionistes ne demeurent pas en reste. Lord Lansdowne a parlé avant-hier à Liverpool, lord Curzon parle demain à Brighton. M. Chamberlain, qui malheureusement pour son parti est paralysé des jambes, écrit des lettres, lord Roseberry également ; mais c’est avec « chagrin et