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peu languissant et permettent à Marie-Louise, qui ne possède pas grandes ressources de conversation, de placer son mot. De son côté, Caroline trouve avantage à ces occasions d’intimité ; c’est alors que l’Empereur parle librement et qu’on peut, d’après une phrase, un mot, juger de ses sentimens et de ses intentions envers le roi de Naples : « L’Empereur, avec qui je vais me promener tous les jours en calèche, m’a dit : « Eh bien ! prendra-t-il « la Sicile ? J’espère que nous aurons des bonnes nouvelles « bientôt et qu’il nous dira que la Sicile est à nous. » L’Impératrice a entendu cela et a paru désirer que tu prennes la Sicile ! » Un matin au déjeuner, dans le cours de la conversation, l’Empereur dit : « J’espère que le Roi et moi ne sommes plus « brouillés ; dites-lui bien des choses de ma part. » L’Impératrice m’a recommandé la même chose ; elle ne manque jamais de me demander de tes nouvelles. »


V

Durant toute cette période, Caroline ne perd jamais de vue les intérêts de son mari qu’elle confond avec les siens. Son travail est double. D’une part, elle essaie d’apaiser Murat qui reste meurtri des violences de Compiègne et qui craint pour son royaume ; elle tâche de lui persuader que l’Empereur n’en veut pas à sa couronne et lui a rendu ses bontés. « Il est vif, mais il est si bon pour nous que nous ne devons douter de ses sentimens… Pour être vif, il n’en est pas moins ce qu’il y a de meilleur au monde,… » voilà la modulation principale, le thème dominant de ses lettres et surtout de celles qu’elle expédie par la voie ordinaire. D’autre part, comme celui qu’elle proclame le meilleur des hommes n’en est pas moins un maître fort rigoureux, elle s’efforce d’adoucir et de tempérer ses exigences à l’égard du royaume de Naples.

En vertu de créances discutées, Napoléon réclamait de l’État Napolitain un lourd sacrifice d’argent. Il exigeait que l’ambassadeur du Roi auprès de lui, le duc de Campo-Chiaro, signât un traité de liquidation qui reconnût la dette, réglât les sommes, fixât les échéances. Caroline sollicita une réduction et d’abord n’obtint rien :

« Mon cher ami, je t’envoie d’Arlincourt pour te faire