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blessure est faite ; elle saignera toujours au cœur du roi de Naples.

Les rapports entre le Roi et la Reine avaient fait très vraisemblablement l’un des objets de l’orageux entretien. Napoléon voulait que sa sœur fût bien traitée à Naples ; il la voulait heureuse parce qu’il l’aimait ; il la voulait hautement honorée parce qu’il la considérait comme sa représentante directe dans le royaume péninsulaire et son émanation ; manquer d’égards à sa sœur, c’était faire insulte à son sang, à lui-même. Sur ce point, Murat résolut de lui donner satisfaction. Reçut-il l’injonction formelle de mieux vivre avec sa femme et l’aima-t-il en service commandé ? Chercha-t-il instinctivement auprès d’elle un refuge, un secours au milieu de ses déboires ? Conçut-il l’espoir de reprendre par sa femme quelque ascendant sur l’esprit de l’Empereur ? Quoi qu’il en fût, il se mit pour elle en frais de galanterie. En ce mois d’avril 1810, durant le séjour à Compiègne, il est certain qu’une scène de rapprochement intervient ; il y a un renouveau d’effusions conjugales. Murat se montre tendre, empressé, amoureux ; la Reine accueille ce retour avec ravissement, car elle y voit la promesse de jours meilleurs, peut-être d’une situation plus forte à Naples et d’un partage d’autorité. Rentrée dans ses droits d’épouse, elle espère rentrer dans tous ses droits de reine.

Entre les époux, il semble qu’une nouvelle lune de miel commence. A vrai dire, comme Murat est obligé de repartir immédiatement pour Naples et la Calabre où il va préparer l’expédition de Sicile, comme sa femme doit rester auprès de l’Empereur jusqu’à la fin des fêtes, c’est une lune de miel épistolaire, à distance et par échange de continuelles missives. Néanmoins, les lettres de Caroline ne laissent aucun doute sur la réalité du rapprochement ; le ton en est tout changé :

« Tu es parti, mon cher ami, et me voici bien triste, j’espère que tu m’écriras un petit mot avant ton départ de Paris et que tu me promettras de me donner souvent de tes nouvelles le long de la route ; ne me laisse pas aussi longtemps sans tes lettres comme au premier voyage, et crois que lorsqu’on se sépare on est heureux de recevoir des nouvelles des personnes que nous aimons bien tendrement., Tu sais si tu m’es cher et si je puis me séparer un moment en idée du père de mes enfans. » Si elle avait su que Murat, avant de reprendre le chemin de Naples,