lorsqu’on reste si longtemps ensemble. Le roi et la reine de Bavière sont bien aimables, ainsi que les princes ; ils me parlent sans cesse de toi, ils savent que c’est un moyen de me plaire. Je veux aussi te parler de ma santé. Je suis bien fatiguée, quoique je ne sois qu’à la première journée du voyage ; mais rester seize heures sans pouvoir descendre une seule fois de voiture et n’y avoir rien de commode et être entourée d’écuyers et des gardes, c’est terrible, car cela est cause qu’on ne peut prendre aucune précaution. Pour l’Impératrice qui est jeune, elle supporte cela à merveille, mais moi qui ait fait des enfans, cela me fait beaucoup souffrir. Mais j’oublie volontiers toutes mes fatigues si l’Impératrice plaît à l’Empereur, quelle le rende heureux et qu’elle nous fasse surtout un gros garçon. »
Le voyage se continue par Stuttgard et Carlsruhe, à travers les cours allemandes, les cours vassales, échelonnées sur le passage. Partout, les réceptions et les galas, les embrassades compassées, les minuties de l’étiquette se répètent et su ressemblent. Le Rhin franchi, c’est l’enthousiasme cordial de l’Alsace et tous les cœurs volant au-devant de la nouvelle souveraine ; mais il faut subir les longueurs de l’entrée, le lyrisme officiel, le préfet, le conseil général, les corps constitués, le défilé pittoresque des corps de métiers et enfin la fête de nuit, avec embrasement de la cathédrale. Caroline est excédée d’honneurs, littéralement harassée, et pour surcroît de fatigue, il lui faut à chaque étape écrire à l’Empereur ou au Roi, donner au maître des détails précis, circonstanciés, et dissiper les appréhensions du mari. A Lunéville, elle apprend que Murat vient enfin d’arriver à Paris et elle s’en réjouit, mais quel tracas d’écrire quand on a encore dans l’oreille le roulement des voitures, l’insipide modulation des harangues, les cris du peuple et depuis huit jours une incessante rumeur de fête !
« Lunéville, 24 mars à 10 heures du soir. — Je suis enchantée que tu sois auprès de l’Empereur et que tu sois arrivé en bonne santé ; j’espère te revoir bientôt et t’embrasser de tout mon cœur. Je me suis acquittée de ta commission auprès de l’Impératrice qui désire bien te voir ; elle est charmante et elle plaît de plus en plus. L’Impératrice aime beaucoup les macaronis et nous en mangeons toutes les fois que nous en trouvons ; elle a un grand désir d’aller à Naples et de voir une ville qu’on lui dit être si belle. L’Empereur trouve que je ne lui écris pas assez,