(le chirurgien) qui m’a bassiné l’œil, mis un cataplasme et un bandeau noir, et j’ai eu bientôt l’air d’un invalide au milieu du salon. L’Empereur m’a comblée d’attentions, il est venu me voir et a été bien inquiet. Aujourd’hui j’ai une forte contusion, mon œil reste très noir du sang extravasé, mais je n’ai que de la douleur. Je suis fâchée de te le dire, puisque tu aimes Mme Duchâtel, que tu la trouves de ton goût, mais elle a les os terriblement pointus et qui font bien mal. Du reste, la pauvre femme a été désolée de me voir dans cet état et par sa faute. Ne sois pas trop inquiet de mon accident ; lorsque tu recevras cette lettre, il n’y paraîtra plus… L’Empereur me parle toujours de toi avec bonté et me demande souvent si tu fais toujours des vers. Il compte bien te voir ici à cause du mariage ; je ne puis assez répéter combien il me comble de bontés. »
La Reine ne tarissait pas sur les bontés de son frère. A y insister, elle voyait un moyen de faire ressortir la différence entre ce traitement flatteur et les procédés dont elle avait souffert à Naples : « Sans reproche, on me gâte beaucoup plus ici que vous ne me gâtiez à Naples et l’on me dit quelquefois que l’on a grand plaisir à me voir. Je ne veux pas me plaindre de toi, mais j’espère qu’à mon retour tu me gâteras tant que je ne voudrai plus revenir à Paris. Ne va pas te fâcher de cette petite plaisanterie, et lis la lettre charmante de Joseph que je t’envoie. »
L’Empereur la choyait d’autant plus qu’il avait à l’employer et à l’utiliser. Comme il la sait fort entendue aux choses de toilette, c’est elle qu’il charge de composer le trousseau de l’Impératrice et la corbeille ; robes, manteaux, cachemires, dentelles, diamans, bijoux, innombrables parures, elle devra tout commander, et il faut que ces splendeurs soient de bon goût, car il importe que Marie-Louise qui, d’après les renseignemens venus de Vienne, s’habille mal, trouve en France de quoi se transformer magnifiquement et n’apparaisse pas aux Parisiens fagotée à l’allemande. Caroline est également appelée à composer la maison de l’Impératrice, tâche qui exige beaucoup de tact et de discernement.
L’Empereur attendait d’elle un plus grand service. Pendant plusieurs jours, il s’arrêta au projet de placer près de Marie-Louise, pendant les deux premières années de son séjour en France, une personne de rang insigne et de toute confiance qui aurait à la diriger, à l’éduquer adroitement et à la dresser au rôle