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en se débarrassant du ministre de l’Intérieur, M. Triantaphyllakos. De quoi était coupable M. Triantaphyllakos ? Avait-il commis un acte dont l’armée avait droit de se plaindre en tant qu’armée ? Non : il avait accordé une concession de mine à une compagnie étrangère. Quel rapport un pareil acte pouvait-il avoir avec les intérêts militaires ? Aucun évidemment, et on peut voir par cet exemple la sincérité de la Ligue qui, en diverses circonstances, a protesté qu’elle ne s’occupait pas de politique. Cette fois, M. Mavromichalis a trouvé que c’était trop et a fait mine de résister. En huit jours, il avait perdu deux de ses ministres par l’intervention de la Ligue : qu’arriverait-il des autres ? Qu’arriverait-il de lui-même ? Mais on la regardé de travers et il a compris. Le Roi, paraît-il, lui a donné le conseil de céder ; c’est une politique comme une autre ; quand on a commencé, pourquoi s’arrêter Le Roi n’a-t-il pas sacrifié ses fils ? M. Mavromichalis peut bien sacrifier ses ministres ! Un de plus,… un de moins… ? M. Kutaxias, ministre des Finances, a été chargé de l’intérim de l’Intérieur, comme M. Mavromichalis lui-même avait été chargé de celui de la Guerre, et la Grèce a respiré : la crise était finie,… jusqu’à nouvel ordre.

Nous sommes de trop sincères amis de la Grèce pour ne pas lui dire le tort qu’elle se fait par de pareils procédés. Si la Ligue militaire entend garder le pouvoir, qu’elle l’exerce elle-même et qu’elle le fasse ouvertement. Les choses ne pourront pas aller plus mal ; peut-être iront-elles mieux, parce qu’il y a un frein dans le sentiment de la responsabilité personnelle et directe. Qui sait d’ailleurs si on n’en viendra pas bientôt là ? Qui sait si on ne finira pas par ne plus trouver d’hommes politiques résignés à faire le métier sacrifié qu’on impose aux ministres ? Les meilleures volontés se lassent, la résignation s’épuise lorsque les épreuves se répètent trop souvent et se prolongent trop longtemps. Dans tous les pays, pour toutes les, besognes, on a jusqu’ici trouvé toujours des ministres : cela est vrai, mais n’est-ce pas un malheur ?


Rien à dire de notre politique intérieure : depuis la séparation des Chambres, elle chôme complètement. Mais une nouvelle session vient de s’ouvrir à la date constitutionnelle du second mardi de janvier, c’est-à-dire le 11. Les deux Chambres devront donc se remettre au travail. La Chambre des députés est aux prises avec le budget et le Sénat avec la loi sur les retraites ouvrières. On a déjà voté deux douzièmes provisoires ; on aurait pu en voter trois, car il est bien certain que le budget ne sera pas sur pied avant la fin de mars, à la veille