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Que rien ne la flétrisse ou corrompe ? O rêveur,
Qui reçus du Destin la plus noble faveur,
A qui fut accordé le don le plus illustre,
Crois-en la piété que t’a vouée un rustre
Et l’hommage naïf qu’en sa simplicité
Rend l’infime disciple au maître respecté.
Tes vers de charme ailé, de grâce diaphane
Demeureront du moins, si toute œuvre se fane,
Glorieux et de siècle en siècle rajeunis ;
Et, quand viendra le temps des chansons et des nids,
Toujours quelque amoureux fervent, d’idéal ivre,
Réfléchira son âme au cristal de ton livre.


LES PAROLES SUPRÊMES


Sache, ô toi qu’affligea ma fin prématurée,
Que le temps est poussière et cendre la durée,
Et qu’un trépas précoce est un bienfait des Dieux.
Inscris en vers d’or pur, dans l’orbe glorieux
D’une médaille illustre et de tes doigts surgie,
Mon destin effacé sous ma pâle effigie ;
Afin que, même après la vie au goût divin,
Où tant d’illusions m’ont effleurée en vain,
Malgré l’oubli que l’ombre impalpable agglomère,
Demeure éternisé mon passage éphémère.
Et sois tendre, ô vivant d’un jour parmi des jours
Sans nombre, à Celle qui, vers de vierges amours,
Vouée au cyprès noir dont l’aiguille rigide
Semble garder la Mort sous sa funèbre égide,
Désormais roule au Fleuve infernal dont les flots
Couvrent de leur clameur les terrestres sanglots.


LEONCE DEPONT.