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toute la surface du Groenland, qui, sur une énorme épaisseur, est entièrement couvert d’une accumulation de neiges et de glaces remontant à un très grand nombre d’années et qui ne fondent jamais. Il en est très probablement de même sur les terres du Pôle Sud.

On donne à cette glace terrestre, des régions polaires, formée par le tassement et la cristallisation lente des précipitations atmosphériques, un nom spécial et consacré par l’usage, celui d’inlandsis. Ce mot, à étymologie danoise, signifie glace de l’intérieur des terres.

Ce terme, comme la plupart de ceux qui désignent les divers élémens techniques de la lutte polaire, appartient au jargon spécial, à racines polyglottes et à formation plus qu’irrégulière, que les baleiniers ou autres affronteurs du Pôle ont, en risquant leur vie, acquis le droit d’imposer peu à peu à la partie sédentaire du genre humain, comme l’ont fait aussi les pionniers de l’aviation et de l’automobilisme, pour le plus grand désespoir des grammairiens et pour la plus grande incohérence des langues de l’avenir. On le voit, la course au Pôle est bien un sport.

Mais, au Pôle Nord, à l’endroit précis du Pôle, et dans tout le centre de la partie marine du bassin polaire boréal, la glace n’est pas permanente, elle se transporte et se renouvelle, ce qui l’empêche d’atteindre une épaisseur illimitée.

Les expéditions de Peary et de Cook ont repris la vieille route du docteur Kane, qu’avaient, depuis cette époque, jalonnée plusieurs expéditions, dont la plus prolongée avait été celle du capitaine Greely. Celle-ci, partie de Terre-Neuve avec le vaisseau le Protée, dura depuis le mois de juillet 1881 jusqu’au mois d’août 1884 : elle se termina par la mort de presque tous les explorateurs, dont l’un, le lieutenant Lockwood, avait atteint, au mois de mai 1883, la latitude de 83°30’25" au Nord du Groenland.

Peary lui-même, depuis 1886, avait fait plusieurs expéditions dont il a été rendu compte dans les milieux géographiques, et c’était lui qui, pour continuer à parler un langage barbare, mais aujourd’hui usuel, détenait, avant son expédition actuelle, le record de l’approche du Pôle.

En 1906, au Nord de la Terre de Grant, il était arrivé à 87°45’ de latitude, c’est-à-dire à 324 kilomètres du Pôle, dépassant de plus de 4 degrés les points extrêmes atteints par Greely