heureusement délivré des places, mais sans avoir passé par le Pôle même. Il était resté à environ 4 degrés au Sud. Nansen, se rendant compte de cette trajectoire, abandonna le navire au capitaine Sverdrup, et, dès le 14 mars 1895, avec un seul compagnon, Johansen, il se lança en traîneau, sur la glace, dans la direction du Pôle. Mais, arrêté par les froids extrêmes de la nuit polaire, en cette saison d’hiver, et repoussé par les terribles obstacles qu’offre la surface de la banquise, il ne put, malgré son énergie, atteindre son but. Il n’en approcha qu’à 420 kilomètres, et lorsque, plus tard, il fut de retour en Europe, il constata, en repérant son itinéraire, qu’il n’était guère allé plus loin vers le Nord que ne l’avait fait, dans sa dérive, le navire abandonné par lui.
Après avoir, le 7 avril 1895, atteint la latitude de 86°13’, Nansen et Johansen durent revenir vers le Sud. Ils hivernèrent sur l’île Frédéric Jackson, par 80° de latitude, et rentrèrent en Norvège le 2 août 1896, à bord du Windward, qui les avait recueillis. Le Fram rentra presque en même temps.
Les autres expéditions faites depuis, aussi bien que les expéditions projetées par les Européens, et qui se sont appuyées sur les moyens modernes, la récente expédition du duc des Abruzzes, les expéditions aérostatiques d’Andrée et de Wellmann, avaient pris pour base les îles situées au Nord de l’Europe, le Spitzberg et l’archipel François-Joseph. Celle du baron Toll, partie en 1904, et qui ne revint jamais, avait pour point de départ l’Extrême-Nord de l’Asie.
Ainsi, l’expédition de Nansen l’a prouvé, la mer paléocrystique n’existe pas.
La glace paléocrystique existe en certains points du globe, dans les régions polaires. Elle existe assurément, à l’état fossile, à l’embouchure de la Lena, où l’on a découvert des cadavres de mammouths conservés à l’état frais dans des blocs de glace qui les tenaient enfermés depuis l’époque quaternaire. Elle existe aussi dans certains détroits resserrés au Nord de l’Amérique du Nord, par exemple dans les détroits où furent abandonnés les vaisseaux de sir John Franklin et quelques-uns de ceux qui allèrent à sa recherche : après plus de cinquante ans, on en a encore retrouvé les débris immobilisés.
Enfin, la glace antique, et que l’on pourrait appeler rocheuse, existe encore à l’intérieur des terres, par exemple sur presque