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détroit, le chenal Kennedy, au-delà duquel l’expédition de Morton trouva de nouveau un espace d’eau libre qui arrêta les traîneaux, par 80° 45’, et qui fut considéré comme étant le vrai bassin polaire.

Quelques années après eut lieu une autre expédition américaine, celle de Hall, qui découvrit le Bassin de Hall et le canal de Robeson.

Plus tard, en 1875, l’amiral anglais Nares, ayant pénétré avec deux navires, l’Alert et le Discovery, dans la même direction jusqu’à 82° 25’, fut arrêté par des glaces infranchissables d’une grande épaisseur, et il donna à la région qu’il avait atteinte le nom de Mer Paléocrystique. Il voulut indiquer par-là ce fait que la glace qu’il avait rencontrée existait, sinon de tout temps, du moins depuis une époque préhistorique. C’est alors qu’à la théorie de la mer libre de Kane se substitua l’idée qu’il existait au Pôle une calotte de glace immuable, c’est-à-dire pouvant être classée au nombre des roches constitutives de l’écorce terrestre, et formée par des couches successives accumulées pendant des siècles, consolidées à tout jamais.

Cette théorie fut d’ailleurs confirmée, d’une part, par les obstacles que rencontra, vers la même époque, l’expédition polaire autrichienne de Payer et Weyprecht, au Nord de l’Europe, et, d’autre part, par la constatation de l’existence de la grande barrière de glaces du Pôle Sud, haute en certains points de 600 mètres, et qui s’avance sur la Mer du Sud jusqu’à une latitude bien plus basse que les glaces boréales.

Cette théorie de la congélation permanente des deux pôles, et en particulier du Pôle Nord, fut généralement admise, jusqu’au moment où la découverte de l’épave de la Jeannette vint tout bouleverser.

Le capitaine de Long et ses compagnons, partis sur la Jeannette, en 1879, par le détroit de Behring, après avoir pénétré dans l’océan Arctique, au Nord-Est de la Sibérie, jusqu’à une assez haute latitude, abandonnèrent, le 9 janvier 1881, les débris de leur navire pris dans les glaces, et écrasé par elles. Partis en canot, puis à pied sur les glaces, ils moururent de faim et de froid dans le delta de la Lena, en octobre 1881, après avoir réussi à atteindre la terre ferme. Leurs corps ainsi que leurs papiers furent plus tard découverts par les expéditions envoyées à leur secours. Mais, trois ans après, la carcasse du navire fut