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coïncidence observée entre l’apparition de ces phénomènes lumineux et les perturbations de l’aiguille aimantée, auxquelles on a donné le nom d’orages magnétiques. On pourra avoir l’explication de ces phénomènes, soit par vision directe, soit par observation à l’aide d’appareils appropriés, eh stationnant aux Pôles. Voilà donc encore un ordre de problèmes, dont la conquête du Pôle Nord pourra donner l’explication.

Et, dans un ordre d’idées plus moderne encore, le Pôle pouvait présenter la révélation de phénomènes aussi importans qu’inattendus.

Il y a une théorie qui n’est pas absolument nouvelle et que plusieurs esprits hardis ont formulée à diverses époques, mais qui n’a acquis que tout récemment des racines permettant de la rattacher au domaine des sciences exactes, c’est celle suivant laquelle la Terre serait un être animé, dont nous serions, en quelque sorte, et toute proportion gardée, les microbes. Que l’on ne se récrie pas devant cette hypothèse ! Elle n’a rien de paradoxal. Nous allons essayer de l’expliquer en quelques mots.

Depuis le jour où Haeckel, voici plus de quarante ans, a publié sa Morphologie générale[1], et depuis que Gegenbaur, dans son magistral Traité d’anatomie comparée[2], avec la lourdeur, mais aussi avec la solidité d’analyse qui le caractérisent, en a commenté les idées en les étayant par des monceaux de preuves, le problème de la complexité des personnalités et de leur superposition s’est posé comme l’un des plus graves et est entré dans le domaine de la zoologie expérimentale.

Il est certain, par exemple, que les globules de notre sang et du sang des animaux supérieurs sont des individus, plus ou moins analogues aux Amibes ; ils naissent, ils vivent, ils meurent, ils se nourrissent, — et peut-être ils raisonnent.

Nous aussi, nous sommes des individus, de même que tous les animaux simples. Mais il est des animaux, d’organisation parfois assez élevée, que l’on appelle coloniaux, et qui sont des agrégats d’autres animaux : tels sont certains vers, ou tels sont les Siphonophores et les Ascidies composées. Chacune de leurs colonies est aussi un individu, mais dont la personnalité englobe d’autres personnalités. Celles-ci à leur tour sont formées

  1. Cf. Haeckel, Generelle morphologie der Organismem, 2 vol., Berlin, 1866.
  2. Cf. Gegenbaur, Traité d’anatomie comparée. Une édition française (1 vol. Paris, Reinwald, 1874) a été publiée et annotée par Carl Vogt.