officielles, annoncent que la Commission des barricades fera, au besoin, miner et sauter les égouts. L’animation des fédérés est incroyable dans les faubourgs ; les femmes se font remarquer par leur exaltation. Les vivres commencent à devenir rares.
Paris est morne : hors quelques grandes artères, les rues sont désertes, les boutiques fermées. Cependant les barricades ont disparu du centre de la ville et les omnibus circulent librement. On rencontre peu de gardes nationaux, parce que ceux qui ne se dérobent pas au service militaire sont aux remparts ou dans les forts d’Issy et de Vanves. La population ouvrière de Paris est affolée, et l’on n’entend de sa part qu’injures contre les Versaillais. Il serait imprudent de contrecarrer le premier garde national venu, ceux-ci règnent en souverains. Ils gardent les portes de la ville, et on ne sort pas sans un laissez-passer, qu’il faut aller chercher à la préfecture, où l’on risque d’être arrêté, pour peu qu’on ait l’air suspect. La Commune a sa police, qui rôde partout. Il faut lire le Père Duchesne, étudier l’attitude des fédérés, pour se convaincre que les rêves des républicains modérés sont cruellement déçus. Maintenant, crier : « Vive la République ! » est presque un cri séditieux, il faut crier : « Vive la Commune ! » Enfin, on a écroué hier à la prison Mazas, près de l’archevêque de Paris[1], G. Chaudey, rédacteur au Siècle, ce républicain de l’avant-veille, ancien ami de Proudhon. Des femmes même ont été arrêtées à la place de leurs maris.
Vendredi dernier, je suis encore allé à la séance de mon Académie[2]. Nous ne sommes plus que onze à Paris, tout le monde a fui. Paris se dépeuple ou se détruit, les obus ont entamé l’Arc de Triomphe, et la Commune vient d’ordonner la démolition de la colonne Vendôme.
Enfin, ce qui console, en ces tristes épreuves, c’est le sentiment du devoir accompli. Que deviendrons-nous ? Je l’ignore. Mais, après tout, qu’est-ce que la vie, quand elle se poursuit dans un tel état ? Il faut mourir un jour : tâchons, du moins, de mourir en rachetant par notre conduite les torts que nous avons pu avoir. Je suis résigné à tout. Si, à mon tour, on me saisit comme otage, ainsi qu’on l’a fait pour une centaine de personnes, je me prépare à mourir en bon citoyen et en homme de bien. C’est la doctrine que j’ai prêchée, avant-hier, au petit nombre de