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indépendamment des faits objectifs sur lesquels porte la déposition. La forme du témoignage fournit, en effet, en elle-même, au magistrat, des élémens d’appréciation sur le niveau intellectuel, le degré de culture, les tendances sentimentales, l’orientation de l’esprit, les préoccupations présentes, etc., du témoin.

La conclusion qui se dégage de cette étude, c’est la nécessité de l’étroite collaboration, sur le terrain de l’information judiciaire, du magistrat et de l’expert aliéniste.

Certaines situations judiciaires particulières imposent avec plus d’urgence encore cette collaboration ; telles sont celles que créent les auto-accusations et les hétéro-accusations.

Dans les auto-accusations, la nature morbide de l’aveu n’exclut pas la réalité possible du crime dénoncé ; d’autre part, la réalité du crime dénoncé n’exclut pas la nature pathologique possible de la dénonciation. Aussi, tout auto-accusateur devrait-il être soumis à l’expertise médicale.

En l’absence d’expertise, le problème de l’auto-accusation reste dans le domaine judiciaire, et comporte des solutions juridiques, dont j’ai exposé l’intérêt et les variétés possibles, dans mon travail sur les auto-accusateurs. L’étude des faits d’auto-accusation démontre qu’ils ont pu et peuvent encore entraîner de regrettables conséquences pratiques et judiciaires, dans l’ordre des actions inutiles, des longues préventions, des enquêtes stériles, enfin des condamnations injustes.

Dans les hétéro-accusations, les situations judiciaires créées par les témoins pathologiques sont autrement graves encore ; mais elles sont présentes à l’esprit de tous les magistrats. Qu’il me suffise de rappeler ici la célèbre affaire La Roncière, et, plus récemment, l’affaire Eugénie La Roche, rapportée par M. Vallon au Congrès de Marseille, en 1899, dans laquelle furent condamnés aux travaux forcés à perpétuité Jamet et Léger, accusés de viol par une enfant de treize ans, et reconnus innocens, après un long séjour au bagne. Tout dernièrement enfin, des affaires de prétendus attentats à la pudeur commis sur des enfans ont vivement ému l’opinion publique. Je n’en citerai qu’une, que je relève dans la chronique judiciaire du journal Le Temps, numéro du 29 mars 1909 :

« M. B… du bourg de X… avait été condamné, l’an dernier, par la Cour d’assises de l’Orne, à un an de prison pour attentats à la pudeur. La Cour ayant fait des réserves sur une question