Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’étendue est représentée par la somme des données positives, exactes ou erronées, de la déposition.

La fidélité est mesurée par le rapport des données exactes aux données positives, exactes ou non.

L’assurance, c’est-à-dire la décision, la conviction avec laquelle le témoin répond aux questions, se mesure par le rapport des données certifiées aux données positives. Cette assurance est justifiée ou injustifiée. M. Claparède, qui a particulièrement étudié cette question, a montré aussi, comme une forme de l’assurance du témoignage, la tendance au serment, qui se mesure par le rapport des données jurées aux données positives. Cette tendance au serment est soit justifiée, et exprime alors la tendance au serment véridique, soit injustifiée, et exprime la tendance au faux témoignage.

L’originalité représente, dans le témoignage, l’apport personnel par le témoin de certaines qualités de compétence, d’éducation, d’orientation intellectuelle, de culture particulière, etc.

L’originalité du témoignage se rapporte donc à un ensemble de qualités essentiellement subjectives, qui échappent à toute mesure quantitative, mais qui permettent d’apprécier, dans la déposition, la nature, les tendances, le niveau et les connaissances spéciales du déposant. C’est le reflet de la personnalité du témoin, dans le fond et la forme du témoignage. Le même fait, observé par différens individus, sera, avec des qualités d’étendue, de fidélité et d’assurance égales, rapporté avec une originalité différente, suivant la diversité d’origine des sources psychiques du témoignage. C’est, en partie, cette originalité du narrateur qui distingue les uns des autres les historiens, les mémorialistes, les romanciers : tous ces témoins de l’histoire, grande ou petite, passée ou actuelle, ont imprégné leurs œuvres de leur personnalité. Les plus originaux d’entre eux ont su, suivant la profonde remarque de M. Paul Bourget[1], nous donner « ce témoignage complet qui montre, tout ensemble, un coin de vie humaine, et l’esprit où ce coin de vie humaine s’est pensé. » Et, en trouvant « ce point d’équilibre où les traits personnels que découvre le témoin achèvent la signification du témoignage, » ils ont élevé au plus haut point l’originalité du témoignage.

Ces qualités subjectives du témoignage appartiennent au

  1. P. Bourget, introduction à Etienne Mayran de Taine (Revue du 15 mars 1909).