Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les marécages et les torrens. Médecins du Norrland, pasteurs de Laponie, journalistes, magistrats, professeurs, écrivains, tous ont sur les lèvres : « Du temps que j’étais à Upsal… »

… « Du temps que j’étais à Upsal ! » Je vous assure qu’il y a dans ces mois-là un charme magique… .


A deux heures de Stockholm, dans une grande plaine où le ciel déploie tout à son aise la magnificence des soleils couchans, Upsal se signale de loin par les flèches de sa cathédrale et par son château dont la lourde façade de briques roses s’allonge entre deux grosses tours à tête ronde. Je ne vis d’abord qu’une laide petite ville très banale, pavée de cailloux cuisans. Mais, lorsque j’eus traversé la rivière qui la coupe en deux, je pensai : « Comme on doit bien travailler ici ! » Toutes les rues montaient sans bruit vers des parcs, des laboratoires, des bibliothèques ; et l’imposante bibliothèque, Carolina Rediviua, les dominait du haut de son esplanade.

Sauf le château où abdiqua la reine Christine, la coupole en cuivre du Gustavianum, quelques pierres, une vieille fontaine et deux ou trois coins d’aspect gothique, la plus vieille Université du Nord semble bâtie d’hier ou d’avant-hier. Sa cathédrale, inspirée de Notre-Dame, — une petite Notre-Dame en briques, — a été reconstruite au XVIIIe siècle et restaurée à la fin du XIXe. La Carolina date de 1840 ; le Palais des Facultés, dans son style Renaissance, de 1886. Les Nations des Etudians, ces espèces de préfectures, ne sont pas encore toutes payées. Je ne parle pas des monumens nécessités par les progrès des sciences, et dont chacun est comme une nouvelle ancre qui, dans la menace problématique que Stockholm voudrait un jour accaparer l’Université suédoise, la rattache plus solidement à sa terre natale. Et pourtant on n’y a jamais l’impression de vivre dans une ville moderne. Elle est si chargée de traditions et de souvenirs que les moellons, pour y paraître anciens, n’ont pas besoin d’attendre la patine du temps. Les maisons d’une nouveauté trop confortable, — il y en avait une alors et qu’on nommait la maison, — ne choquent même pas, tant on est sûr qu’elles vieilliront ici plus vite qu’ailleurs.

Le vrai charme d’Upsal ne tient point, à ses pierres, fussent-elles gravées de runes. Il est dans son hospitalité silencieuse