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national vient de faire de mon second fils, le Duc de Nemours, pour roi des Belges, me pénètre de sentimens dont je vous demande d’être les organes auprès de votre généreuse nation. Je suis profondément touché que mon dévouement constant à ma patrie vous ait inspiré ce désir, et je m’enorgueillirai toujours qu’un de mes fils ait été l’objet de votre choix.

Si je n’écoutais que le penchant de mon cœur et ma disposition bien sincère à déférer au vœu d’un peuple dont la paix et la prospérité sont également chères et importantes à la France, je m’y rendrais avec empressement. Mais quels que soient mes regrets, quelle que soit l’amertume que j’éprouve à vous refuser mon fils, la rigidité des devoirs que j’ai à remplir m’en impose la pénible obligation, et je dois déclarer que je n’accepte pas pour lui la couronne que vous êtes chargés de lui offrir.

Mon premier devoir est de consulter avant tout les intérêts de la France, et par conséquent de ne point compromettre cette paix que j’espère conserver pour son bonheur, pour celui de la Belgique et pour celui de tous les Etats de l’Europe, auxquels elle est si précieuse et si nécessaire.

Exempt moi-même de toute ambition, mes vœux personnels s’accordent avec mes devoirs. Ce ne sera jamais la soif des conquêtes ou l’honneur de voir une couronne placée sur la tête de mon fils qui m’entraîneront à exposer mon pays au renouvellement des maux que la guerre amène à sa suite et que les avantages que nous pourrions en retirer ne sauraient compenser, quelque grands qu’ils fussent d’ailleurs. Les exemples de Louis XIV et de Napoléon suffiraient pour me préserver de la funeste tentation d’ériger des trônes pour mes fils et pour me faire préférer le bonheur d’avoir maintenu la paix à tout l’éclat des victoires, que, dans la guerre, la valeur française ne manquerait pas d’assurer de nouveau à nos glorieux drapeaux.

Que la Belgique soit libre et heureuse ! Qu’elle n’oublie pas que c’est au concert de la France avec les grandes puissances de l’Europe qu’elle a dû la prompte reconnaissance de son indépendance nationale et qu’elle compte toujours avec confiance sur mon appui pour la préserver de toute attaque extérieure ou de toute intervention étrangère !


L’effet du discours du Roi fut considérable. Si l’impatience souvent enflammée des représentans de la Belgique mit à