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La manière dont M. de Schoen a parlé de l’affaire Mannesmann est une preuve nouvelle de la bonne foi que le gouvernement impérial apporte dans le règlement des questions marocaines. Cette affaire aurait pu autrefois servir de brandon de discorde entre l’Allemagne et nous, et il y a probablement encore, de l’autre côté des Vosges, des hommes qui n’auraient pas mieux demandé que de s’en servir à cette fin : mais le gouvernement ne s’y est pas prêté. Les frères Mannesmann ont obtenu, paraît-il, de Moulaï Hafid, le 6 octobre 1908, une concession de plus de six cents gisemens miniers qui couvrent une superficie de 4 ou 5 millions d’hectares. C’est un beau coup de filet ! Ces messieurs avaient-ils fait des études préalables, entamé des travaux, établi des devis, etc. ? Non : ils se sont contentés de verser 300 000 marks à Moulaï Hafid qui avait besoin d’argent. Celui-ci, du moins, avait-il le droit de faire à des étrangers, ou même à qui que ce soit, une concession de cette nature ? Non, car il n’était pas alors reconnu par les puissances ; il était encore simple prétendant. Mais à quoi bon discuter les prétentions de MM. Mannesmann ? Le mieux sera sans doute, comme l’a suggéré M. de Schoen, de les soumettre à un arbitrage. En tout cas, le gouvernement impérial n’a pas consenti à les prendre à son compte. Il est possible que MM. Mannesmann obtiennent un jour la restitution des 300 000 marks qu’ils ont eu l’imprudence de verser. Pour le moment, lorsqu’ils les lui réclament. Moulai Hafid se contente de leur dire : Vous avez ma concession. Et quand quelqu’un d’autre l’interroge sur cette concession, il répond qu’il n’y a pas lieu de s’en occuper. A nos yeux, un texte domine tout, c’est l’article 112 de l’Acte d’Algésiras, d’après lequel un firman chérifien doit déterminer les conditions de concession et d’exploitation des mines, minières et carrières, et qui ajoute que, dans l’élaboration de ce firman, le gouvernement chérifien s’inspirera des législations étrangères sur la matière. En signant l’Acte d’Algésiras, le gouvernement marocain s’est interdit de donner des concessions de mines avant d’avoir établi son firman : or ce firman dont on s’occupe d’ailleurs, est encore dans le devenir. Nous n’avons fait mention de cette affaire que pour montrer de quel esprit respectueux de l’Acte d’Algésiras, et aussi des intérêts de tous, le gouvernement allemand s’inspire aujourd’hui.


Nous ne dirons qu’un mot d’une autre question, beaucoup plus près de nous, mais la plus délicate de toutes, et à laquelle nous ne pouvons taire allusion sans nous exposer à éveiller en Allemagne des susceptibilités ombrageuses, ni sans éprouver nous-mêmes une véritable an-