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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Il est déjà un peu tard pour parler de la mort du roi Léopold, et sans doute un peu tôt pour consacrer à son règne une étude que la Revue ne manquera pourtant pas de publier dans une de ses prochaines livraisons. La disparition d’un homme comme lui est un événement considérable, car il a été, sans contestation possible, un des souverains les plus intelligens qu’on ait vus en Europe dans la seconde moitié du dernier siècle. Ce n’est pas assez de vanter son intelligence ; elle n’est pas, en somme, un phénomène très rare dans notre temps ; mais il a été un homme d’action, ce qui est moins commun, et on est obligé de remonter assez haut dans l’histoire pour retrouver l’exemple d’une imagination aussi hardie, d’une volonté aussi forte, d’une persévérance aussi tenace. On est tenté de comparer Léopold II à Henri le Navigateur, infant de Portugal, qui a tant fait, au XVe siècle, pour découvrir des terres nouvelles et pour assurer à son petit pays la gloire et le profit de leurs découvertes.

Ce n’est même pas avec les ressources que lui a fournies la Belgique que le roi Léopold, du moins au début, a soutenu ses vastes entreprises. Il ne rencontrait alors autour de lui que du scepticisme. Lui seul avait la foi, et c’est avec sa fortune particulière qu’il a commencé. On a pu craindre un moment qu’elle ne fût compromise, perdue, engloutie ; mais, après quelques années d’efforts, les choses ont changé de face, et le Congo est devenu une affaire largement rémunératrice. Le Roi avait trouvé des collaborateurs habiles et énergiques qui ont su mettre en valeur l’immense empire africain et en tirer des richesses inopinées. On a contesté, attaqué, condamné quelques-uns des procédés qu’ils ont employés pour cela, et, en effet, la critique a eu ici sa part légitime ; mais ils trouveraient au besoin, sinon une justification, au moins une excuse dans l’histoire coloniale de beaucoup