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avec du thé jusqu’au 2 décembre ; mais à partir de ce moment-là, l’indignation ne me permit pas de continuer. »

Il a été l’adversaire de Gambetta. Dans les Figures, il déclare : « Il ne m’en contera pas d’être juste et même bienveillant envers sa mémoire. » Cette parole m’avait un peu inquiété : on voit ici Jules Simon prendre une résolution trop énergique pour qu’elle ne trahisse pas une lutte, qui, en effet, apparaît très visible, contre un préjugé. « Il n’avait pas le génie militaire de Bonaparte, mais il en avait le caractère impérieux et entreprenant. » Ce rapprochement a, dans l’esprit de Jules Simon, qui n’a jamais goûté Napoléon Ier, un caractère nettement défavorable : il est intéressant, lorsqu’on songe que l’homme de Brumaire an VIII et l’homme du 4 septembre 1870 étaient de la même race. Tous ces Génois effrénés heurtaient chez Jules Simon l’homme modéré du Nord. Il jette, à vrai dire, sur la toile des touches excellentes : je préfère cependant à ce dernier tableau le croquis, si enlevé, du jeune Léon Gambetta dans le Soir de ma journée, croquis pris au Corps législatif et où s’agite presque la silhouette si curieuse du jeune tribun. Jules Simon que, par la suite, Gambetta a dérouté, résume son impression en termes qui pourraient arrêter. « Il y avait peut-être en lui les facultés d’un homme d’État : il n’a été qu’un tribun. » Il faudrait renvoyer ici le lecteur à M. Gabriel Hanotaux. N’a-t-on pas été homme d’Etat parce que d’habiles adversaires ont su briser dans le tribun l’homme d’État en train de se réaliser ?

A Gambetta. Jules Simon préfère certainement Ferry que, cependant, il aurait de plus fortes raisons de ne point aimer. Ce Vosgien allait mieux à son tempérament de demi-Lorrain : il salue en lui l’homme d’ordre qui, le 31 octobre 1870, sut montrer sang-froid et intrépidité. « On s’en souvint, écrit-il, dans le parti de l’ordre où l’on manque souvent de mémoire. On s’en souvint aussi dans le camp de l’émeute. » Là est l’impartialité : Jules Simon, adversaire de Ferry, ne l’a pas mesuré à l’article 7 : il le mesure à toute sa conduite, de ce jour où Ferry soutint de son robuste bras de bûcheron des Vosges le gouvernement de 1870 menacé, jusqu’à celui où l’athlète fut renversé par la coalition des rancunes. — mais sans avoir plié les jarrets. « C’était un homme, conclut son ancien adversaire : ses ennemis eux-mêmes devront l’avouer. »

Thiers dut. — en matière politique, — jeter parfois Simon dans ces horripilations que lui a si souvent procurées Cousin en matière philosophique. Il dénonce, toujours en se jouant, chez l’un et chez l’autre, un despotisme égal. Si bienveillant envers tant d’autres, le