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patrie, quand on le croit passé. » Ce langage ne présentait rien de subversif. Tout en continuant à surveiller Fouché, la police tendait à le considérer de plus en plus comme un homme fini, et les renseignemens qu’elle recevait à son sujet de la chancellerie autrichienne n’étaient pas pour modifier cette opinion.

Si du côté des généraux et des régicides le danger paraissait s’amoindrir de jour en jour, on n’en pouvait dire autant de divers autres personnages non compris dans ces deux catégories et réfugiés aussi en Belgique. Dans ce troisième groupe, on trouve Barras, dont la présence est signalée tantôt à Bruxelles, tantôt à Louvain, Real, jadis l’acolyte de Fouché, qu’on croit fixé à Anvers, Cauchois-Lemaire, le directeur de la feuille satirique : le Nain Jaune, qu’il a transportée de Paris en Belgique et à laquelle succédera bientôt le Libéral, les avocats Teste et de Tolozan, qui sont à Liège et qu’on croit attachés à ce journal, Arnault, l’homme de lettres, secrétaire général de l’Université pendant les Cent-Jours. Contre celui-ci, contre Barras et Real, on ne relève aucun acte révélateur d’une participation effective aux agitations dont Bruxelles était le centre. Mais la complicité des autres dans ce mouvement est démontrée par leurs écrits, par les articles séditieux qu’ils donnent au Nain Jaune, au Libéral, au Vrai Libéral, par les pamphlets qu’ils lancent à tout instant contre le gouvernement français, ou contre celui des Pays-Bas, dont ils poussent les Belges à secouer le joug.

Longtemps courbés sous la tyrannie de la maison d’Autriche, délivrés par la Révolution, annexés ensuite à la France, les Belges, restés Français jusqu’en 1815, ne se résignaient pas à être les sujets de la maison d’Orange, non qu’ils rêvassent déjà d’autonomie et d’indépendance, mais parce que c’est à la France qu’ils voulaient être de nouveau réunis. Leur prétention était regardée comme parfaitement légitime par le peuple hollandais, que ne satisfaisait pas davantage la réunion des deux pays dont, à l’instigation de l’Angleterre, on avait formé un seul royaume, malgré les différences de mœurs, de religion, de langage et d’intérêts. La multiplicité sans cesse accrue des charges financières augmentait le mécontentement des populations annexées. Sous le régime impérial, elles étaient écrasées d’impôts. Mais elles espéraient que la paix en allégerait le poids. La paix était venue, après la paix, l’annexion à la Hollande, et les impôts se multipliaient, devenaient de plus en plus lourds. Le