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Belliard, ainsi que plusieurs autres généraux, dont on n’a pu savoir les noms. Masséna a un air sombre, rêveur et inquiet, qu’il n’a jamais eu auparavant. Avant-hier, quoiqu’il eût déjà vu Jourdan pendant plus de deux heures, il l’a envoyé chercher de nouveau dans sa propre voiture, et a passé, encore, au moins deux heures avec lui.

« Mme Ney est très assidue chez le maréchal Jourdan. Elle y était encore hier, avec M. Berryer, et tous trois ont conféré longtemps ensemble. Jourdan regarde Ney comme absolument perdu, et ne l’a pas caché même à sa femme.

« Le maréchal de camp d’Albignac, premier aide de camp de Ney, est parti hier pour Caen, uniquement pour ne pas être témoin du jugement du maréchal. Son sang bouillait dans ses veines, et il était temps qu’il partît, car il aurait fini par se compromettre.

« Il faut faire attention au général Clary. Sa tête se monte de plus en plus. C’est un énergumène dont la présence est vraiment dangereuse à Paris. »

« Le général Rapp est arrivé ici malade et pensant assez bien. L’esprit de corps l’a gagné depuis comme tous les autres, et l’on tient de bonne source qu’il s’est rangé dans le parti des mécontens et des clabaudeurs, quoique ce soit encore à un degré assez modéré. Il a écrit : « Je ne suis intrigant ni conspirateur. On aurait même tort de me ranger parmi les mécontens, car je suis sur le point de me marier et de jouir enfin du repos que je n’ai pas encore connu. Si Sa Majesté avait besoin de mes services, elle me trouverait toujours prêt à verser mon sang pour elle. »


« Le général Percheux et son aide de camp Lefèvre sont de même fort mécontens, et tiennent de fort mauvais propos ; on aura demain des détails circonstanciés sur leur compte. »

« Les généraux Aymé et Solignac sont en ce moment à Paris. L’intrigue leur est familière ; ils sont surveillés de près.

« Le général Bigarré est venu prendre les eaux de Tivoli et solliciter de l’emploi ; trompé dans son attente, il retourne à Bennes. Sa conduite a été sans reproches.

« Des indications particulières ont appris au préfet du Puy-de-Dôme que le général Mouton-Duvernet doit avoir pris, sous l’habit de voiturier, la route de Marseille pour s’embarquer et