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dans l’ordonnance du 24 juillet ou d’être menacés d’arrestation, plusieurs s’étaient enfuis : au moment où l’ordonnance les désignait, on ignorait leur asile. On les recherchait en même temps qu’on en surveillait d’autres qui n’avaient pas cru devoir se cacher malgré les menaces dont, à la tribune des Chambres, dans la presse, dans des brochures dénonciatrices, ils étaient l’objet. Les notes de police suivantes caractérisent la surveillance qui s’attachait à ces débris de l’armée impériale dans les dernières semaines de l’année 1815 et nous donnent une idée du trouble des esprits.


« Le maréchal Augereau est dans l’abattement le plus profond, ne concevant pas la moindre espérance pour Ney, prévoyant pour l’avenir les plus grands malheurs à tout ce qui a servi la cause de Bonaparte, depuis le 20 mars.

« Le général Belliard tremble de se compromettre et a peur de son ombre. Il ne reçoit presque personne et a invité tous ceux qui tiennent à lui, à être extrêmement circonspects. Il y a deux jours, il a envoyé de grand matin chez Augereau, parce qu’on venait de lui dire la fausse nouvelle qu’il était arrêté, ainsi que Masséna et Jourdan. Le lendemain, 17 novembre, il a dîné chez Augereau, avec quelques autres amis. Le même jour, la maréchale Ney était venue chez Augereau, qui ne l’a reçue qu’avec inquiétude, car il a de même grand’peur d’être compromis. Si l’on en jugeait par toutes les apparences, Belliard, Augereau, et autres, sont consternés, abattus, découragés, et ne songeraient qu’à mettre à couvert leur fortune. Tous sont convaincus que, dans trois mois, il n’y aura pour eux, en France, aucune sûreté.

« Le maréchal Masséna, que tout le monde dit parti, est toujours dans sa maison, et se prétend malade. La vérité est pourtant qu’il ne se porte pas bien, et qu’il est dans la consternation, ainsi que tous les autres. Il craint surtout d’être mis en accusation, pour la conduite qu’il a tenue, du 3 au 8 juillet, lorsqu’il était commandant en chef de la Garde nationale, et qu’il empêchait les royalistes d’aller à Saint-Denis. »


« Mme Ney est venue chez Masséna presque tous les jours de la semaine dernière. Avant-hier, chez Masséna, il y a eu petit conseil où ont assisté Augereau, Jourdan, Reille et