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contre Dieu, des choses contrôle Roi, des souvenirs de Roissy des couplets infâmes ou odieux, toute la lyre de Hollande. Déchaînement des ennemis de Bussy, rappel de toutes ses fautes, de tous ses crimes. N’a-t-il pas toujours médit, toujours chansonné, toujours trahi ? N’a-t-il pas fait cuire en broche la cuisse d’un homme un jour de vendredi-saint ? N’a-t-il point tué un de ses gens ? Que sait-on ? Les choses s’enveniment. La Reine mère, qui était, dit-on, dans l’Histoire amoureuse falsifiée, délire de colère. Condé déclare qu’il va faire assommer Bussy par ses valets et résiste à toutes les supplications de sa sœur, Mme de Longueville, en faveur du coupable. Et Mazarin avisait sans doute le Roi de l’affaire Foucquet. Enfin le 16 avril 1665, Bussy fut arrêté et enfermé à la Bastille. Ce n’était rien ; mais il n’en devait sortir que pour rester dans une disgrâce qui devait durer vingt-sept ans, et c’est ici que l’affaire devient malaisée à comprendre.

Bussy, d’après tout ce qu’on sait et que nous avons rapporté, n’était pas si criminel. Il méritait peut-être six mois de forteresse. Son exil fut quasi aussi long que celui de Vardes. Il faut croire qu’ « il y eut quelque chose, » que nous ne connaissons pas et qui était très grave au point de vue politique. Toutes ces affaires du XVIIe siècle sont ou doivent être ainsi. Nous n’en connaissons que les surfaces, que les prétextes qu’on a donnés au public ; le fond, très probablement, nous en échappe. L’affaire Bussy-Rabutin est, à mon avis, aussi obscure que celle de Saint-Evremond.

Tant y a que Bussy resta à la Bastille treize mois, objet de l’attention flatteuse d’une foule d’hommes et surtout de femmes qui forçaient les lignes de sentinelles et envahissaient les fossés pour le voir de loin ; recevant de folles et aussi de charmantes lettres ; recevant, chose plus inattendue, des propositions des Jésuites d’écrire un livre contre les Provinciales et déclinant, du reste, ces offres. Elargi enfin parce qu’il était malade, il demeura trois mois chez le chirurgien Delancé, après quoi il fut autorisé à aller prendre l’air en Bourgogne. Il quitta Paris le 6 septembre 1666. Il ne devait plus le revoir que furtivement ou de façon précaire.

Il avait quarante-huit ans. Il vécut vingt-sept ans à Bussy ou à Chazeu, rongeant son frein, pestant contre sa destinée, espérant toujours, demandant toujours, soit un retour en grâce, soit de l’argent, toujours gêné, toujours harcelé de créanciers