Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’aboutissaient les efforts de la Prusse pour supplanter la France dans son office traditionnel de protectrice de la papauté.

Quant aux paroles dites par Bismarck, en vue d’une immixtion pontificale dans la guerre franco-allemande, le Vatican ne les pouvait laisser sans réponse ni sans effet. Mais après la première surprise, qui fut peut-être agréable, on devina bien vite quels malentendus allaient surgir. La Curie voulait intervenir comme médiatrice, le gouvernement de la Défense Nationale lui faisait dire par le Nonce qu’il en serait reconnaissant ; Pie IX songeait, le 7 décembre, à demander un armistice de quinze jours et le ravitaillement de Paris ; en recevant Lefebvre de Béhaine, il lui disait que pour Noël, il offrirait au monde une vraie trêve de Dieu. Mais c’était la Prusse qui s’effaçait, c’était la Prusse qui se taisait. Arnim n’admettait pas le terme « médiation. » Antonelli questionnait Versailles, et de Versailles, on ne répondait plus ; on mettait le cardinal dans l’ingrate attitude d’un intermédiaire à qui l’une des deux parties en présence ne communique pas ses vues. Et puis, le 27 décembre, on lui faisait demander par Arnim : « Le gouvernement de Bordeaux n’enverra-t-il pas bientôt un négociateur à Versailles ? » — « C’est votre faute s’il tarde, répondit en substance Antonelli ; je ne savais que lui écrire de votre part. »

Quelques jours se passaient, et le 7 janvier, Arnim venait informer Antonelli que Jules Favre et Thiers avaient reçu connaissance, directement, des conditions de la Prusse. C’était, de la part de la Prusse, écarter implicitement toute médiation du Vatican, c’était mettre Antonelli en dehors des pourparlers. En guise d’excuses, Arnim articulait des reproches : « Les négociations ont été mal entamées, murmurait-il ; Antonelli aurait dû aller à Versailles. » En fait, certains propos d’Antonelli lui avaient donné à croire que la Curie voudrait obtenir, en compensation des sacrifices territoriaux auxquels elle ferait consentir la France, une solution propice de la question romaine ; et c’est là un terrain qu’Arnim voulait fuir. Le 22 février, pourtant, il venait dire au cardinal qu’une lettre du roi de Prusse relative au projet de médiation était en route. La lettre s’égara, ou rebroussa chemin, car un mois plus tard, le 22 mars, Antonelli expliquait à Lefebvre de Béhaine qu’il ne l’avait pas encore reçue, et constatait, une fois de plus, l’impuissance où ses velléités d’entremise étaient réduites par la Prusse. C’en était fait