déplaisant, comme disait un journaliste, dans cette « médiation entre le bourreau et sa victime ; » et l’on trouvait, à Berlin, qu’Arnim se compromettait peut-être beaucoup. Là-bas, au loin, on n’était pas bien fixé sur le sens et sur la portée de ses démarches auprès de Cadorna ; et l’on redouta tout de suite que le gouvernement de Florence n’en fût mécontent. Thile, le 18 septembre, puis Bismarck lui-même, le 22, firent savoir à Launay qu’Arnim agissait de sa propre initiative ; leurs précautions sont instructives, parce qu’ils s’y révèlent, à cette heure décisive, plus soucieux de ce qu’on pensait à Florence que de ce qu’on pensait au Vatican. Les unitaires triomphans avaient le sentiment de ce qu’ils devaient à l’Allemagne : un prêtre français, passant à Civita-Vecchia, présenta son passeport au Garibaldien Nino Bixio : « Cette canaille d’empereur a disparu, s’écriait celui-ci ; le peuple français disparaîtra bientôt, et il faut qu’il ne reste en Europe que la Prusse et l’Italie. » Arnim manœuvrait comme si déjà les vœux de Bixio étaient exaucés.
Le 20 septembre, Rome allait devenir ville royale. A l’aurore de ce jour, il courut à la villa Albani, pour recommander à Cadorna les volontaires étrangers, au sort desquels s’attachait avec une émouvante tendresse Pie IX détrôné ; à son retour, il rencontra les autres ministres qui s’en allaient aussi parler pour ces braves, et voulut les persuader que par son entremise tout était réglé. Il lui aurait plu d’être auprès de Cadorna l’interprète unique et officieux des désirs du Vatican, et de s’afficher, lui ministre d’une puissance luthérienne, comme protecteur de la Curie. Les précédens, les traditions, les relations confiantes qu’entretenaient Lefebvre de Béhaine et Antonelli, qualifiaient pour un tel rôle la catholique nation française ; mais la France était vaincue, Arnim en profitait.
Ce protecteur devint pressant, voire encombrant. Il obsédait le cardinal pour que le Pape s’installât à Cologne, à Aix-la-Chapelle, à Berlin ; le 5 octobre, Antonelli, les larmes aux yeux, protestait à Lefebvre de Béhaine que Pie IX ne songeait pas à s’éloigner, et l’archevêque Guibert, à Tours, recevait du Vatican les mêmes assurances. Le gouvernement de Florence s’inquiétait : l’Italie officielle sentait confusément qu’une fois Pie IX parti, Rome ne serait plus dans Rome. A Berlin, dès le 28, Launay priait Thile d’insister auprès du Vatican pour que Pie IX restât : Thile nia péremptoirement qu’Arnim eût fait les démarches