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c’est dans les coulisses qu’on manœuvre, dans les coulisses qu’on agit. Harry d’Arnim, d’ordinaire paralysé par son prestige même de diplomate officiel, allait enfin, à la mi-septembre de 1870, pouvoir s’agiter à sa guise.

L’Italie, d’un geste mal assuré, se préparait à une offensive sans péril ; la générosité de Pie IX amollissait une défensive qui eût inutilement coûté du sang ; l’Europe, laissant faire la destinée, n’osait ni permettre ni prohiber, et n’oserait ni ratifier, ni condamner ; les situations n’avaient rien de net ; les attitudes rien de tranché ; d’autre part, les grandes lignes que venait de tracer Bismarck pour la conduite de ses diplomates laissaient place à beaucoup d’initiatives, et Bismarck était trop loin pour qu’on fût obligé de le consulter. D’Arnim était libre, — libre comme il eût souhaité l’être à l’endroit du Concile. Un an durant, il avait eu cette idée fixe, d’arrêter, sur les lèvres des Pères, l’hommage qu’ils allaient rendre à la souveraineté spirituelle du Pape ; mais Bismarck l’avait prié d’être simple témoin, et les Pères avaient dit : Placet, en dépit d’Arnim. Aujourd’hui, la souveraineté temporelle était en jeu ; le trône donné par Pépin le Bref et par Charlemagne aux prédécesseurs de Pie IX allait s’écrouler ; Arnim, cessant enfin d’être un spectateur inerte, allait goûter, à petites doses, la vaniteuse jouissance de clore onze siècles d’histoire par quelques allées et venues.

Entre les Palais apostoliques et le quartier du général Cadorna, il s’improvisa courrier. Il était l’ami de tout le monde, et cela s’accordait assez bien avec les complexités de la politique bismarckienne. Le 17 septembre, il allait voir Cadorna, obtenait que l’assaut contre Home fût différé de vingt-quatre heures, et revenait exposer au cardinal Antonelli que le Pape ne pouvait pas assister à la consommation d’une défaite, et ferait mieux de se réfugier au centre de l’Europe. Le chargé d’affaires d’Autriche, à l’instigation d’Arnim, réunissait les membres du corps diplomatique et leur demandait, — mais en vain, car Lefebvre de Béhaine était là, — de faire pression sur Pie IX pour que Pie IX renonçât à toute résistance. Arnim, au Vatican, parlait bien haut de la sécurité et de la dignité du Pape ; devant Cadorna, et plus tard devant le baron Blanc, il étalait avec orgueil les efforts qu’il avait dépensés pour empêcher la résistance armée des troupes papales et faciliter ainsi l’ingrate tâche des Piémontais.

Le jeu paraissait compliqué ; il y avait je ne sais quoi de