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Florence ; et l’on en trouvait sur les lèvres du ministre Quintino Sella, qui dissuadait Victor-Emmanuel de se compromettre avec Napoléon… De ces deux confiances, celle des Monsignori et celle des unitaires, laquelle Bismarck trompait-il ? Au début d’août, le bruit courut, à Rome, que la Prusse venait de parler haut en faveur du Pape, auprès du Cabinet de Florence : M. Visconti Venosta, le 19 août, démentit publiquement cette rumeur. Bismarck, en effet, n’aspirait qu’à se taire. Ne pas déplaire aux catholiques qu’il envoyait se faire tuer sur le Rhin et dont bientôt il allait diminuer les petites patries pour les englober dans la grande ; et ne pas déplaire non plus à l’Italie, dont il voulait la neutralité, sinon l’amitié : tel était le problème ; le ministre du roi Guillaume aimait mieux l’éluder que de l’affronter. L’incertitude durait encore le 4 septembre : dans le conseil de cabinet qui se tint à Florence, trois des ministres de Victor-Emmanuel déclaraient qu’il fallait occuper Rome, « si l’on était sûr de l’appui de la Prusse. » En pressant l’insaisissable Bismarck, l’Italie allait exiger des certitudes.

Les représentans de Victor-Emmanuel furent invités à sonder les Etats de l’Europe et à leur demander un passeport pour Rome. Les gouvernemens de Bade, du Wurtemberg, de la Bavière, répondirent évasivement, par un mélange de vœux et de réserves ; on eût dit qu’ils ébauchaient un commencement de passeport, mais sans le mettre au net ni le signer. A Berlin, Thile, sous-secrétaire d’Etat, déclarait au ministre Launay, plénipotentiaire du Cabinet de Florence, qu’il en référerait à son chef.

Là-bas, en France, Bismarck tardait à répondre. Arnim, ministre de Prusse à Rome, était encore sans instructions lorsque, le 9 septembre, il quittait Berlin pour regagner son poste. A Rome, une dépêche décisive l’attendait :


Les sympathies de la Prusse pour la personne du Saint-Père, y disait Bismarck, et le désir que le Saint-Père continue à avoir une position indépendante et respectée, ont leurs bornes naturelles dans les bons rapports entre la Prusse et l’Italie, qui empêchent le Cabinet de Berlin de créer à l’Italie des difficultés ou d’entrer dans des combinaisons qui lui soient hostiles.


Brassier de Saint-Simon, ministre de Prusse à Florence, eut communication de cette dépêche ; il en reçut une autre qui