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déranger, au fond des camps, ses travaux et ses siestes. Elle allait ménager une première rencontre entre l’Eglise et la nouvelle Allemagne ; elle était une question confessionnelle autant que diplomatique ; elle mettait aux prises le catholicisme et l’anti-catholicisme, c’est-à-dire, en Allemagne, les fervens de saint Pierre, attachés au prestige de l’Apôtre, et les fervens de Luther, désireux que saint Pierre fût humilié.

En face de cette question, et se mesurant avec elle, il nous faut observer Bismarck, homme de l’Etat : nous y trouverons ce double avantage de constater avec netteté son indifférence fondamentale pour les systèmes de politique confessionnelle, quels qu’ils fussent, et puis de pouvoir parcourir avec lui la première des lentes et longues étapes qui l’acheminaient, sans que lui-même encore s’en rendît pleinement compte, vers la folie du Culturkampf.

En Allemagne comme partout, les périls qui cernaient Pie IX avaient ému les catholiques : Bismarck le savait ; il y avait là un fait, que sa diplomatie devait envisager. Le roi Guillaume, en 1867, dans le discours du trône, avait affirmé sa sollicitude pour la dignité et l’indépendance du Pape ; au surplus, roi par la grâce de Dieu, il n’aimait pas les révolutionnaires ; et les coquets manèges par lesquels l’Italie officielle acceptait ou recherchait leur précieuse complicité, le refroidissaient à l’égard du mouvement unitaire. Wagener, le confident de Bismarck, avait demandé à Rudolf Meyer, en 1867, un mémoire sur l’intérêt qu’aurait l’Allemagne à protéger le pouvoir temporel : il déplaisait aux vieux conservateurs que la révolution gagnât une seule victoire, même sur le souverain que leurs aïeux taxaient d’Antéchrist. Bref, la politique intérieure du royaume, durant les années qui précédèrent la guerre, dissuadait Bismarck de se brouiller avec Pie IX.

Mais la question se compliquait, dès qu’il considérait les intérêts extérieurs. Un fantôme l’obsédait, — il l’avouait dès 1866 au général Govone : — c’était la possibilité d’une alliance entre la France et l’Italie. Mazzini, qui savait cette peur, avait tenté de l’exploiter ; il avait, en 1867, fait dire à Bismarck : « La France transforme en une préfecture le gouvernement de Florence ; elle n’a qu’à écrire à Victor-Emmanuel : Je vous donne Rome, pour que l’Italie enthousiaste acclame une alliance de son roi et de Napoléon, dirigée contre la Prusse. Je puis, moi