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rejeter cet art venu de Bologne. Rome n’était pas exclusivement la ville des Papes, c’était toujours un peu la ville des Césars, avide de joie et de plaisir. Cette Rome, qui avait vu l’âge d’or de la Renaissance, elle avait bien créé l’art de la contre-Réforme, mais, cette réaction avait été faite par des papes qui ne sortaient pas de son sein. Au XVIIe siècle, avec de vrais papes romains, avec un Borghèse, un Barberini, un Panfili, un Chigi, elle fera un art nouveau plus à son image.

Elle trouve l’art de la contre-Réforme, l’art des Bolonais, trop savant et un peu triste. Il lui faut un art moins destiné à des intellectuels, qui s’adresse moins à l’esprit et plus à la sensibilité, un art fait pour plaire plus que pour convaincre. Les temps d’épreuve sont passés ; l’hérésie n’est plus à craindre : il ne s’agit plus de faire des démonstrations de doctrine ; les intelligences sont conquises, il reste maintenant à les charmer. Pour agir surtout sur les masses populaires, il faut faire de l’église, non un milieu grave et austère, mais un salon, un lieu de repos et de fêtes, où le peuple sera chez lui, où lui, le misérable, il trouvera une demeure plus belle que celle des rois, où tout l’attirera et le retiendra, la beauté de l’architecture, des sculptures et des peintures, une église qui sera un théâtre, où, au milieu des accords musicaux, se dérouleront les plus belles fêtes qui puissent enchanter les yeux. Les Jésuites ont été les grands organisateurs de cette société nouvelle, et l’art du XVIIe siècle doit bien légitimement porter leur nom.

Le grand maître de l’âge nouveau fut le Bernin qui, plus que tout autre artiste, transforma Rome et lui donna son aspect actuel. Auprès de lui, Pierre de Cortone eut une influence non moins grande. Pour la première fois peut-être, l’art prend nettement et absolument avec eux un caractère décoratif, fait corps avec l’architecture et s’unit étroitement à elle par des formes peintes et sculptées. La coupole de Saint-André au Quirinal à Rome et les plafonds du palais Pitti à Florence sont les modèles incomparables de cet art.

Il a été beaucoup critique par les historiens qui n’ont pas su se placer au point de vue qui le faisait comprendre. A juste titre les philosophes lui ont reproché son caractère superficiel, la pauvreté de sa pensée, et les classiques sa fantaisie et ses caprices. Il ne faut lui demander que ce qu’il a voulu nous donner. Il a voulu nous plaire, charmer nos yeux et nul n’y a