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Annibal fut le véritable homme de génie de la famille. Ce n’était ni un homme d’étude, ni un homme de grande réflexion, mais il avait le don suprême, il était peintre.

Ces trois maîtres eurent les mêmes admirations et la même doctrine. Tous les trois ils voyagèrent, surtout dans le nord de l’Italie où les écoles de peinture étaient si florissantes. Ils furent les disciples des Vénitiens, mais plus encore ceux du Corrège et du Baroche ; ils connaissaient aussi les maîtres de l’Italie centrale et, avant d’étudier Raphaël à Rome, ils avaient admiré la Sainte Cécile à Bologne et, à Parme, la Madone de Saint-Sixte.

C’est surtout entre les mains de leurs élèves que l’école prit sa véritable importance lorsque ces maîtres abandonnèrent la ville de Bologne et qu’ils eurent à décorer les splendides églises dont la Papauté venait de terminer la construction. Le Guerchin, le Guide, Lanfranc, l’Albane, surtout le Dominiquin, voilà le faisceau d’artistes qui représentent vraiment à la Cour pontificale du XVIIe siècle la nouvelle école avec ses caractères essentiels.

Au moment où les Bolonais viennent à Rome, les papes de la contre-Réforme ont déjà manifesté leur volonté de réagir contre le mouvement de la Renaissance par la construction de nombreuses et vastes églises. Ils renoncent au style qui avait été créé par Bramante et ses disciples, et ne veulent plus se satisfaire d’un art où tout était subordonné à des recherches esthétiques, où la pensée chrétienne ne semblait plus jouer qu’un rôle secondaire. Ils sont indignés que le monument qui aurait dû être le grand symbole de la chrétienté, le Saint-Pierre de Bramante, soit si peu une église, qu’il ait été conçu si complètement en dehors de toutes les traditions chrétiennes et de toutes les nécessités du culte. Ils ne comprennent pas qu’une église ne puisse avoir comme décoration sur ses murs que des pilastres, et sur ses voûtes que des caissons.

Par leur volonté nettement manifestée, les églises nouvelles vont redevenir vraiment des églises parfaitement adaptées aux cérémonies religieuses et dont tous les élémens décoratifs seront faits en vue de l’édification des fidèles. Le vaste espace d’une nef unique, désencombrée de piliers, le peu de profondeur du transept, permettent à la foule de voir également bien de toutes parts l’autel et la chaire où parle le prêtre. Toutes les surfaces libres, les murs, les voûtes, les pendentifs, les coupoles, sont livrées aux peintres pour être couvertes de sujets chrétiens. Les