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particulièrement remarquables par leur puissance dramatique, dans la représentation du supplice des martyrs et dans les scènes les plus douloureuses de la vie du Christ, dans la Crucifixion, la Descente de croix, la Mise au tombeau.

Nous avons dit les mérites des maîtres de l’école bolonaise, il nous faut montrer leur faiblesse, et dire pourquoi leurs œuvres, malgré leurs qualités, n’éveillent pas en nous les mêmes joies esthétiques que celles de leurs prédécesseurs.

L’éclectisme des Bolonais, leur volonté de réunir en eux toutes les qualités italiennes ne leur a pas permis d’en porter aucune à son plus haut degré de perfection. Ils ne sont pas, ils ne pouvaient pas être, de grands coloristes comme les Vénitiens, et leurs œuvres ne sauraient en rien être comparées à celles de Titien, Tintoret ou Véronèse. Ils n’ont pas ce souci intense de la beauté des formes qui avait créé les mains de la Joconde, la Galatée de Raphaël ou l’Adam de Michel-Ange. Ils ne s’intéressent pas autant que les maîtres de la Renaissance à la beauté des corps nus ; ils sont trop des intellectuels. Ils ne sont pas très habiles dans l’art de manier la couleur, surtout dans l’art de peindre à l’huile ; leur inexpérience, l’abus des vernis et des bitumes, une mauvaise manière de les employer, ont fait noircir leurs œuvres, qui, pour la plupart, ne nous sont parvenues que presque méconnaissables. Comme tous les Italiens, à l’exception des Vénitiens, ils ont particulièrement excellé dans la fresque.

Surtout, et ce fut là leur plus grande infortune, ils furent appelés à créer un art chrétien à une époque qui ne pouvait être très profondément chrétienne. C’est une tâche qu’ils vont accomplir avec leur raison plus qu’avec leur cœur. Ils n’ont plus la sainteté d’un Fra Angelico ; ils n’ont plus cette foi qui fit des siècles du Moyen âge les grands siècles de l’art chrétien.

Malgré tout, les Bolonais, avec leurs qualités et leurs défauts, n’ont cessé jusqu’à nos jours d’avoir les sympathies des chrétiens. Les artistes, les historiens d’art, les dilettanti, leur préféreront d’autres maîtres, mais eux ils conservent les secrètes faveurs de l’église, et cela se comprend. L’école de Giotto, celle de Fra Angelico, aujourd’hui si justement admirées, sont d’un art encore inachevé et renferment en elles un principe d’archaïsme qui les rend un peu incompréhensibles à la foule des fidèles. D’autre part, les peintures de la Renaissance, malgré leur beauté, peuvent déplaire parce qu’elles ne sont pas assez