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histoire, je le crains, une imprudence, de systématiser. Ces constructions, faites après coup, à force de dégager les grandes lignes, et pour les dégager, négligent trop de détails qui ont cependant leur importance, et chancellent de quelque côté. J’ai peur que l’histoire philosophique ou la philosophie de l’histoire ne soit souvent de l’histoire un peu imaginative, ou, si l’on le préfère, ne s’édifie pas sans un peu d’imagination historique. L’histoire ne doit pas être si constamment raisonnée, parce que l’homme n’est pas si constamment raisonnable ; et elle ne peut pas être toujours « ordonnable, » parce que la vie est loin d’être toujours ordonnée. Aussi les grands classemens de faits, s’ils sont trop logiques, trop catégoriques, sont-ils par là, même exposés à être un peu artificiels ; un certain nombre de ces faits débordent des casiers où l’on voulait les enfermer ; ils dérangent tout et brouillent tout. On ne les y fait rester qu’en les comprimant, mais, à leur tour, trop comprimés, ils tendent à faire éclater la cloison. Gardons-nous d’écrire, car, tout en étant vrai, ce ne serait pas vrai : dans la première période de leurs relations, la monarchie protège les corporations, les encourage, les aide à se développer ; dans la deuxième, elle s’en sert et travaille à mettre la main sur elles ; dans la troisième, elle les exploite en vue d’un intérêt fiscal. Les choses ne se présentent pas avec cette roideur et cette rigueur. La simplicité de cette vue de l’esprit ne correspond pas, ne se conforme pas aux réalités plus complexes. Des origines on ne sait pour ainsi dire rien ; on tout cas, rien de sûr. On voit, à la fin du XIIe siècle, des métiers inféodés ; au cours du XIIIe siècle, des métiers organisés, qui fournissent le guet, qui se disputent et bataillent pour le fournir ou ne pas le fournir, qui ont leur juridiction ou veulent l’avoir, se disputent et bataillent pour l’obtenir, la garder ou l’étendre, et dont le prévôt de Paris recueille les statuts et les usages, pour les mettre en ordre et en faire en quelque sorte la loi de la profession. On voit, pendant le XIVe siècle, les corporations remuantes, agitées, mêlées aux événemens de la rue, y tenant même parfois un rôle prépondérant, et le pouvoir royal en lutte, en colère ou en méfiance contre elles ou contre les confréries, leurs filiales ou leurs voisines. C’est à peu près tout ce qui ressort assez nettement des lignes coupées et confuses du tableau. Le même spectacle continue dans la première moitié du XVe siècle. S’il ne semble pas que l’émeute des Maillotins ait eu rien de